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LAMB

María et Ingvar vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme en Islande. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né, ils décident de le garder et de l’élever comme leur enfant. Cette nouvelle perspective apporte beaucoup de bonheur au couple, mais la nature leur réserve une dernière surprise…

Critique du film

Après un passage en sélection Un Certain Regard lors du Festival de Cannes, le film Lamb se retrouve en compétition à l’Étrange Festival. Il s’agit du premier film de l’islandais Valdimar Jóhannsson qui auparavant a travaillé à la lumière ou aux effets-spéciaux sur plusieurs grosses productions américaines. Sans être une garantie absolue de qualité, le fait qu’il soit produit par A24 et distribué en France par The Jokers, contribue à générer une certaine attente autour du film. Et dès les premières minutes, cette attente se justifie par la qualité visuelle et le regard singulier de son metteur en scène. 

Le film s’ouvre sur une étable, perdue au milieu de la nuit et des montagnes. Dehors, quelque chose rôde, des pas lourds et des râles inquiétants se font entendre. Le bêlement des moutons, d’abord anecdotiques, résonnent progressivement comme des cris d’alarme. D’entrée, on décèle ici l’un des premiers tours de force de Jóhannsson : parvenir, à l’aide de sa caméra, à transmettre cette peur animale.

Le silence des Agneaux

Il en va ainsi durant tout le film, qu’il s’agisse de ses acteurs “bipèdes” ou des animaux, tous sont filmés de la même manière, avec la même importance, toujours à hauteur d’action ou à hauteur d’yeux. Il faut ainsi voir ces plans spectaculaires des béliers fixant la caméra, pour mesurer la force et le malaise qui se dégagent du regard de ces ovins ! À tel point que cette méthodologie constitue à n’en pas douter une véritable profession de foi du réalisateur. Devant sa caméra, les animaux deviennent l’égal des hommes, des personnages à part entière du récit, eux-mêmes vecteurs d’émotion.

Le film bascule rapidement, lors d’une scène habituelle de la vie de la ferme. Alors que Maria (Noomi Rapace) et son époux Ingvar aident une brebis à mettre bas, l’étrange et mystérieux nouveau-né les laisse stupéfaits, au point que ceux-ci décident de l’élever comme leur propre enfant. Le réalisateur islandais prend alors soin de cultiver dans un premier temps le mystère autour de la nature de cette progéniture inattendue et inespérée. Même si l’on devine ce qui nous attend, le doute fait son œuvre : Sommes-nous en présence d’un être hors-norme, ou bien est-ce nos deux parents qui déraillent ? Le voile finit par tomber peu après sur la véritable nature de cet enfant hybride, affirmant une fois encore la toute-puissance de la nature et son caractère insondable. Une impression renforcée par l’environnement, avec ces pics montagneux qui écrasent de leur grandeurs nos protagonistes reclus.

Lamb film

Par la suite, l’irruption d’un quatrième personnage dans l’histoire (Pétur, le frère d’Ingvar), fait dévier le film de sa trajectoire. Le ténébreux conte islandais laisse progressivement place à un triangle amoureux dysfonctionnel. Le récit se perd un peu dans cette sous-intrigue intimiste qui mène on ne sait trop où et apporte on ne sait trop quoi. Mais, malgré ces digressions, subsiste la question principale : l’enfant est-il réellement un don du ciel, comme ses parents en sont persuadés ?

Dessine-moi un mouton !

La dimension antispéciste du film de Jóhannsson, suggérée auparavant, se confirme à la toute fin du dernier acte lorsque la nature, divine et vengeresse, punit les fautes des Hommes. En portant constamment un regard égal sur les humains et les animaux, les actes des premiers à l’encontre des derniers prennent en effet un tout autre sens. Et une mère qui pleure son enfant peut prendre différentes formes. Après tout, la tragédie ne serait-elle l’apanage que d’une seule espèce ? Le final, marquant et attendu, apporte cette dimension supplémentaire dont avait besoin le film pour retrouver le souffle égaré en chemin. Dommage que celui-ci survienne aussi tardivement. 

Conte inspiré de la mythologie nordique, aussi bien que drame intimiste sur le deuil, Lamb peine un peu à choisir sa voie et à assumer pleinement son parti pris. Mais cela ne l’empêche pas d’offrir de beaux moments, grâce notamment à une Noomi Rapace toujours magnétique et à une beauté visuelle indéniable.

Bande-annonce

29 décembre 2021De Valdimar Jóhannsson, avec Noomi RapaceHilmir Snær Guðnason


Cannes 2021 (Un Certain Regard) // L’étrange festival