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L’AMOUR OUF

Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer mais rien n’y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur…

Critique du film

S’il est connu du grand public pour ses nombreux rôles en tant qu’acteur, occupant une place majeure dans sa génération, Gilles Lellouche est aussi réalisateur depuis la fin des années 1990, par le biais de court-métrages et de clips vidéos. Son deuxième film long, Le grand bain, avait été un succès public mais également critique, fédérant autour de son casting ample et populaire, avec un sens de la comédie indéniable, mais aussi en réussissant à toucher par une belle sensibilité. Ce nouveau projet, au budget conséquent (on parle de plus de 35 millions d’euros), affiche de grande ambitions et une histoire tanguant entre le film d’action et une grande histoire d’amour qui en serait le socle. Le film se déroule dans une période assez indécise entre les années 1980 et 1990, mélangeant les indices temporelles pour créer sa propre trame et ne pas s’enfermer dans une reconstitution historique par trop aliénante et prévisible.

L’amour ouf porte dans son titre le projet du film, raconter une romance dévorante qui permettrait à cette fiction de surmonter tous les écueils de ce type de fresque, tout étant justifié in fine par les grands sentiments développés. Le premier raté du film, et il y en aura bien d’autres, est de ne jamais réussir à convaincre par son versant mélodrame amoureux, la faute sans doute à un problème à la fois de casting, les deux duos d’acteurs fonctionnant très mal les uns avec les autres, mais aussi à cause de problèmes flagrants d’écriture. Comment croire à cette romance entre Jackie et Clotaire et surtout à sa force dévorante qui traverserait plusieurs décennies ? Sans cette adhésion à leur histoire, il est impossible de suivre la trame narrative et ses multiples faux-pas.

L'amour ouf

Un autre défaut majeur est cette volonté de rythmer le film uniquement par des choix musicaux, plutôt que d’avoir recours au dialogue ou à de la mise en scène, ce qui aurait considérablement allégé le film, d’une lourdeur infinie dans ses enchainements. À chaque scène charnière, où les personnages ont des propos forts à exprimer, le cinéaste préfère lancer une nappe musicale, taisant les mots pour les remplacer par des classiques de l’époque supposée où se déroule le film. Cette omniprésence presque cacophonique finie par être proprement insupportable, dans la répétition ad nauseam, que soit par une chanson de Prince répétée à trois reprises, ou un emprunt à d’autres films, comme New York 1997 de John Carpenter. C’est un autre souci du film : dès qu’il s’enlise dans le thriller mafieux, il devient une collection de citations, musique à l’appui, pour surligner ses influences, comme s’il était nécessaire de bien montrer ce que l’on veut faire au spectateur pour valider une scène.

Il y a également la question de la longueur du film, qui en dit long sur la difficulté à faire des choix et à rythmer une histoire qui s’étire, jusqu’à avoir d’énormes difficultés à se conclure, redoublant à nouveau les mêmes schémas et punchlines, pour encore une fois bien rappeler ses idées au cas où elles n’auraient pas été saisies lors de leur première énonciation. Cette longueur appelle un dédoublement du casting, ici aussi très ample et regorgeant de collaborateurs amis de Gilles Lellouche, jusque dans le moindre petit rôle. Pourquoi avoir été cherché Anthony Bajon pour une si courte apparition, ou Jean-Pascal Zadi apparaissant dans un contrepoint humoristique, ici encore complètement raté tant il tombe de nulle part ? Les seuls moments véritablement réussis du film sont eux où Lellouche épure son geste et se resserre autour de motifs simples, comme les dialogues entre un excellent Alain Chabat et les actrices jouant tour à tour sa fille, à savoir Mallory Wanecque et Adèle Exarchopoulos. Dans ces rares moments, l’émotion est enfin là et touche juste, sans qu’il soit question d’en rajouter dans l’épate visuelle ou dans l’environnement sonore.

L’amouf ouf est donc un film qui malheureusement manque à peu près tout ce qu’il tente à cause de cette écriture brouillonne qui semble faire autant de mauvais choix que possible. En ratant son cœur, l’histoire d’amour, Gilles Lellouche a sabordé les fondations de son histoire, qui n’est pas rattrapée par une mise en scène beaucoup trop lourde et appuyée. On est loin du film de la maturité et des promesses esquissées dans son précédent long-métrage.

Bande-annonce

16 octobre 2024 – De Gilles Lellouche, avec François Civil, Adèle Exarchopoulos et Mallory Wanecque.


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