L’ANNÉE DU REQUIN
Maja, gendarme maritime dans les landes, voit se réaliser son pire cauchemar : prendre sa retraite anticipée ! Thierry, son mari, a déjà prévu la place de camping et le mobil home. Mais la disparition d’un vacancier met toute la côte en alerte : un requin rôde dans la baie ! Aidée de ses jeunes collègues Eugénie et Blaise, elle saute sur l’occasion pour s’offrir une dernière mission…
Critique du film
Les frères Boukherma vont devoir choisir un camp. Pas forcément entre le film de genre et celui de la comédie, comme ce que vous pourrez lire dans de nombreuses critiques – cela reste vrai aussi, bien que de beaux films naissent parfois dans l’incertitude. Un camp, plutôt, entre cinéphiles et cinéastes.
Les cinéastes ont tous leurs références et leurs passions. Certains sont même habités ou franchement atteints. Dans la famille du « genre français », l’exemple de Julia Ducournau et de sa sainte adoration pour David Cronenberg montre qu’il est tout à fait possible de réaliser d’excellents films en rêvant à ceux d’un autre. Pour ce qui est des frères Boukherma pourtant, leurs passions cinéphiles les enferment dans la mauvaise copie de leurs aînés.
L’Année du requin cite Les Dents de Mer à outrance, jusqu’au pastiche plan par plan. Le résultat, bancal, navigue vingt-mille lieues sous les mers de l’original. Plus que du Spielberg d’ailleurs – référence trop sérieuse pour nos lurons -, leur film se perd tout à fait entre le côté frénétique et bouillonnant d’un Joe Dante, et la comédie franchouillarde que suggère l’affiche. De ce côté, le distributeur joue clairement la confusion. Il devrait rencontrer les mêmes retours public que lorsque Steak (2007) était marketé comme un film de potes.
Non, entre le potache de Scream et le côté torturé d’un Panic sur Florida Beach, le film oublie de choisir. Ou bien n’en a-t-il pas les moyens, victime de son aspect « cheap » revendiqué. Un pauvre requin animatronique fauché par ci, un hors champ et un fondu au noir par là, le film la joue sérieux et premier degré sans le brio qui devrait aller avec.
Dernier écueil, les acteurs un peu trop professionnels de ce troisième film n’ont plus la même sincérité que les quidams des précédents (Teddy, mais aussi l’excellent Willy 1er). Celle de Christine Gautier par exemple, excellent second rôle dans Teddy ; on la retrouve quand même ici avec plaisir dans un trop petit rôle de gendarme. Non, les têtes d’affiches : Marina Foïs en mode mineur, Kad Merad en économie d’énergie, Jean-Pascal Zadi en mode roue libre, tous participent à la dérive du film.
Les réalisateurs n’ont de cesse d’évoquer leur amour pour une “ruralité”, ces “ailleurs” dont on parle peu au cinéma, mais la filment presque comme un rendez-vous en terre inconnue. Ou s’en moquent allègrement. Pas à la Dumont, sans fascination pour les corps, mais à coups de maquillage ou d’une prothèse de nez particulièrement improbable. Et s’ils l’aiment tant, pourquoi fétichiser l’accent du sud-ouest si c’est pour que personne sauf le narrateur – ressort comique ambivalent – ne l’ait vraiment ?
Bande-annonce
3 août 2022 – De Ludovic et Zoran Boukherma, avec Marina Foïs, Kad Merad et Jean-Pascal Zadi.