LARRY FLYNT
De son enfance misérable dans le Kentucky, Larry a gagné l’art de la débrouille, le goût d’entreprendre et l’irrépressible désir d’améliorer sa condition. Propriétaire d’un bar à stripteaseuses, il flaire le bon coup et lance en 1974 Hustler, une publication licencieuse qui fait bientôt de l’ombre à Playboy, en ne reculant jamais devant le scandale et l’obscénité. Mais un succès aussi sulfureux ne pouvait qu’attirer les foudres des dévots : l’Amérique puritaine fera tout pour mettre Larry au pilori…
Critique du film
Au départ, Milos Forman ne croyait guère à la possibilité de faire de ce projet un film intéressant. Outre qu’il ne portait pas vraiment Larry Flynt en haute estime, le réalisateur se remettait à peine de l’échec de Valmont, son adaptation des Liaisons dangereuses ; de plus, il venait d’écrire ses mémoires, quasiment persuadé qu’il ne réaliserait plus de films. Cependant, la présence à la production d’Oliver Stone (avec Janet Yang et Michael Hausman), ainsi que la perspective d’un scénario signé parScott Alexander et Larry Karaszewski, dont la collaboration avait déjà donné Ed Wood, finirent par le convaincre de revoir son jugement et d’accepter de réaliser cette biographie qui renonce à tout excès hagiographique pour livrer une vision complexe de l’homme Larry Flynt.
Constamment, au cours de cette œuvre d’un peu plus de deux heures, sans temps mort et sujette à quelques ellipses dans le parcours de Larry Flynt, on se demande si cet homme est épris de liberté d’expression ou n’est qu’un simple provocateur. Son combat pour faire respecter à sa façon le premier amendement est-il sincère ? Est-ce uniquement un prétexte ? C’est aussi ce qui fait la richesse du film : Larry Flynt est-il finalement un idéaliste ou aussi hypocrite que ceux qu’il brocarde ? Les questions sont toujours plus intéressantes que les certitudes, en tous les cas pour faire de bons films. Car si Flynt semble motivé par la chasse aux faux dévots, à la violence d’état, on peut se demander si sa motivation dans son combat est le respect des droits constitutionnels ou plus prosaïquement l’appât du gain et un fort appétit pour le pouvoir et le scandale.
Quand il se fait baptiser, se montre-t-il sincère, dans une quête qui peut-être le surprend lui-même ? Sa tentative de conversion semble étonnante mais pas forcément simulée. Cet homme exècre l’hypocrisie de certains dignitaires religieux, mais pas forcément l’idée d’un cheminement spirituel. Toute la contradiction et la schizophrénie d’un pays et de ses tiraillements idéologiques semblent se concentrer dans la personnalité de Larry Flynt.
Même si ses méthodes managériales parfois brutales peuvent donner un aspect antipathique au personnage, et si sans son avocat, le combat judiciaire avec le Premier amendement comme bouclier aurait été différent, Larry Flynt apparaît dans ce film comme une sorte d’activiste radical. Un militant qui finalement ne peut pas être constitué d’une seule pièce.
Après avoir connu une enfance misérable passée dans un cabanon, Larry Flynt s’est construit un parcours incroyable et a connu un destin hors norme, fait d’excès, de scandales médiatiques et de combats judiciaires. D’un début d’existence où la survie n’avait rien d’évident jusqu’au statut de multimillionnaire star des médias et habitué des tribunaux, le film de Milos Forman raconte le cheminement d’un homme qui se bat pour ce qu’il croit juste, qui échappe peut-être au pire à force de débrouillardise, de culot et d’un certain courage. Celui de lutter – parfois contre des hommes influents, parfois contre des institutions – mais aussi celui de se regarder en face.
Le film remporta l’Ours d’Or au Festival de Berlin en 1997. Bénéficiant des remarquables interprétations de Woody Harrelson, de Courtney Love et d’Edward Norton – entourés de caméos de personnalités politiques, voire de Larry Flynt lui-même dans un rôle de juge –, d’une très belle reconstitution des années 1970 et 1980 et d’un scénario solide, il s’agit à la fois d’un « biopic », d’un film d’amour et d’un brûlot politique. Pour ce film qui n’a pas vieilli et dont on se demande s’il serait encore possible de le réaliser au vu de ses audaces, il fallait un écrin qui lui rende justice et c’est le cas avec cette ressortie.