LE CERCLE ROUGE
Un truand marseillais, un détenu en cavale et un ancien policier mettent au point le hold-up du siècle. Le commissaire Mattei, de la brigade criminelle, leur tend une souricière.
Critique du film
Avant-dernière réalisation de Jean-Pierre Melville et dernier film avec Bourvil, Le Cercle rouge constitue un des films policiers mythiques du cinéma français. Par sa prestigieuse distribution, par ses qualités formelles mais aussi parce qu’il marque très certainement l’apogée de l’œuvre de ce réalisateur avec Le Samouraï et L’Armée des ombres.
Le film démarre sur un incroyable concours de circonstances, pour ne pas dire une coïncidence invraisemblable. Cela n’a en fait aucune sorte d‘importance. Car le réalisme n’est pas ce qui intéressait Jean-Pierre Melville pour ce film – comme pour Le Samouraï d’ailleurs. Avec Le Cercle rouge, Jean-Pierre Melville produisait une œuvre originale, pas seulement inspirée par le cinéma américain, mais profondément personnelle, unique et qui allait influencer de nombreux cinéastes, dont John Woo, Johnnie To ou Masahiro Kobayashi.
Le flic, le gangster et le traître.
On est dans du pur cinéma, une sorte d’épure, d’abstraction. Le principal c’est la mise en scène, la photographie d’Henri Decae et la musique d’Eric Demarsan. Et bien sûr les acteurs, Alain Delon, Yves Montand, Bourvil, Gian Maria Volonte et François Périer. Qui, plus que des personnages, incarnent des archétypes : le flic, le gangster, le traître.
Des personnages froids, dont on sait finalement peu de choses, traversent des espaces désertiques – en pleine nature – ou désertés – en pleine ville – et se trouvent liés par le destin, la fatalité. L’idée de culpabilité est très présente avec le personnage de l’inspecteur général Marchand pour qui les hommes ne restent jamais longtemps innocents. Evoquant la tragédie, par sa vision très sombre de l’existence, ses personnages réduits à de simples silhouettes, ou à des fantômes, non pas par paresse scénaristique mais parce qu’ils sont les jouets du Fatum, Le Cercle rouge offre de très grands moments de cinéma comme le casse de la bijouterie – 25 minutes sans dialogue – où le personnage de Jansen veut se racheter de son alcoolisme et de sa déchéance.
Film sur le destin, mais aussi l’honneur, la trahison et le rachat, Le Cercle rouge, pierre angulaire du cinéma, par sa vision clinique, sa froideur minérale ressemble parfois à un cauchemar, à l’image de cette impressionnante et mémorable scène de delirium tremens. Quelque chose d’irréel et de quasi métaphysique se dégage de la trajectoire de ces hommes qui se savent condamnés. Le scénario réduit à sa plus simple expression se trouve transcendé par la mise en scène de Melville, qui donne lieu à 2 heures et 20 minutes de cinéma exceptionnel.