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LE CHÂTEAU DANS LE CIEL

Retenue prisonnière par des pirates dans un dirigeable, la jeune Sheeta saute dans le vide en tentant de leur échapper. Elle est sauvée in extremis par Pazu, un jeune pilote d’avion travaillant dans une cité minière. Les pirates leur donnent la chasse. Au terme d’une course-poursuite effrénée, Sheeta se confie à Pazu, lui avouant qu’elle est la descendante des souverains de Laputa, la cité mythique située dans les airs. Elle est par conséquent la seule détentrice du secret de Laputa que le chef des armées, le cruel Muska, cherche à percer..

Avant-propos

Après Princesse Mononoké, le deuxième Miyazaki que j’ai vu fut Le Château dans le ciel, bien qu’onze ans séparent les deux films. C’est que le second profite du succès du premier en Europe (1997), confirmé en 2001 par Le Voyage de Chihiro. Suite au phénomène médiatique de Princesse Mononoké, les années 2000 marquent en France la découverte grand public du cinéaste japonais et des studios Ghibli. Aussi la décennie voit-elle une flopée de ses précédents chefs-d’œuvre sortir en salle, comme, en 2003, Le Château dans le ciel. Et mon histoire personnelle s’inscrit dans la droite lignée de ce mouvement cinéphilique.

La scène se passe aux alentours de l’année 2004, quelques mois après la sortie du DVD (un de nos premiers, par ailleurs). Très précisément, un 31 octobre, chez ma belle-mère, en compagnie de mon père, ma sœur et mon demi-frère. Pour une raison que je ne me rappelle plus, ma belle-mère tenait à projeter Le Château dans le ciel le soir d’Halloween, fête complètement ignorée des Japonais (du moins en 1986, date de sortie du film). Un bien curieux décalage entre les fracas de la guerre aérienne et les citrouilles en plastique et autres guirlandes en tissu flottant dans l’appartement.

Critique du film

Et pourtant, en y songeant à nouveau, Halloween et Le Château dans le ciel se rapprochent. L’œuvre appartient à la première période de Miyazaki, marquée par des œuvres comme Nausicaä de la Vallée du Vent et Porco Rosso beaucoup plus pessimistes que les suivantes. Une grande douleur pointe dans ces dessins animés doux-amers. Les séquences d’ouverture de Nausicaä et du Château dans le ciel se ressemblent à s’y méprendre : l’attaque d’un vaisseau aérien conduit à sa destruction.

Toutefois, dans Le Château dans le ciel, la petite Sheeta, propriétaire d’une pierre magique qui lui confère le don de voler, survit à sa chute. Un jeune mineur, Pazu, la recueille dans sa cité ouvrière.

En plaçant une bonne part de l’intrigue dans la cité industrielle, puis la seconde moitié du film à bord de la merveilleuse et futuriste Laputa, Miyazaki témoigne de son engagement d’alors à gauche, témoignage de son engagement de jeunesse marxiste. Les représentations des ouvriers travaillant dans la vapeur des machines ramènent un siècle en arrière – bien que le cinéaste dise s’inspirer de la grève des mineurs gallois de 1985 – à l’époque où le foisonnement technologique pouvait mener aussi bien à la destruction qu’à l’émancipation de l’homme.

Cette ambivalence morale de la technologie est au cœur du Château dans le ciel et s’incarne plus particulièrement dans le robot géant tombé de Laputa, robot auquel Brad Bird rendra plus tard hommage dans Le Géant de Fer, dessin animé frappé de la même ambivalence. Comme le robot de ce dernier film, le géant du Château dans le ciel hésite entre la violence sans limites et la création artistique. Sheeta, à l’aide de sa pierre magique, tente de l’aiguiller dans cette dernière voie, quand le sournois Muska (l’un des méchants de Miyazaki les plus raffinés et élégants) et ses sbires y décèlent une prodigieuse arme de destruction massive.

Œuvre steampunk avec Nausicaä et Le Château ambulant, Le Château dans le ciel fait la part belle aux étrangetés aussi bien techniques qu’esthétiques. Cité volante (reprise dans Avatar), géant à l’ossature fragile et « flaptères » des pirates côtoient les machines à vapeur historiques de la première révolution industrielle. Quant aux fumées et couleurs ocres, elles saturent l’écran, en hommage au délicat camaïeu brun des briques de la ville, signe de la tension entre exploitation et autonomie de la classe ouvrière d’alors.

Une douloureuse interrogation morale sur le contrôle de la technique perturbe le positivisme technologique auquel adhèrent bon nombre de personnages. Le genre de film utile, sinon nécessaire, pour qu’un gamin de dix ans remette en question l’atmosphère scientiste de ce XXIe siècle naissant. Somme toute, elle avait raison, la citrouille au sourire moqueur à mes côtés : Le Château dans le ciel prête autant à rire qu’à souffrir. Et dans cette sensation hybride se niche notre plaisir. 


Disponible sur Netflix


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