LE CONTE DE LA PRINCESSE KAGUYA
Par un jour brumeux, Okina, vieux coupeur de bambous, découvre à l’intérieur d’une canne une minuscule créature endormie. Il la ramène chez lui. Élevée par Okina et son épouse, Kaguya-Hime, soit princesse lumineuse, devient très rapidement une magnifique jeune fille.
Critique du film
Si le studio Ghibli est devenu l’un des piliers du cinéma d’animation japonais en occident, force est de constater qu’il n’existe qu’à travers les films estampillés Miyazaki, effaçant tristement les autres formidables productions du studio. Isao Takahata, également co-fondateur, s’est pourtant illustré avec le déchirant Le Tombeau des Lucioles, et signe en 2014 Le Conte de la Princesse Kaguya.
Isao Takahata troque le réalisme violent de son premier film pour un métrage tout en douceur. Adapté d’un récit japonais millénaire, Le conte du coupeur de bambou, Le Conte de la Princesse Kaguya s’inscrit dans un héritage visuel et culturel, très inspiré par le folklore traditionnel. L’image est d’une subtilité renversante, dont les aplats de couleurs et la finesse des traits rappellent les techniques de l’aquarelle japonaise, à laquelle s’ajoute les notes élégantes du koto. Takahata (réalisateur, et non dessinateur) n’enferme pourtant jamais ses lignes, mais cherche à transcender leurs limites.
Ainsi, le dessin dépasse sa fonction formelle pour devenir source d’émotion. La joie de la jeune Kaguya envahit l’écran, éclairant la nature de couleurs lumineuses. Et à mesure que le long-métrage avance, les lignes se troublent de désespoir. Jusqu’à cette séquence hallucinante de fuite, où les traits se brouillent vers l’abstraction. Le film perd de ses couleurs alors que Kaguya grandit, piégée par les désillusions du monde adulte, pleurant ses rêves brisés et son amour perdu.
Princesse de ville, princesse des champs
Car derrière une relative innocence, Le Conte de la Princesse Kaguya est avant tout le récit d’une émancipation impossible. Née dans un bambou et recueillie par une famille de paysans, Kaguya vit une enfance – de courte durée, la princesse grandit à vue d’œil – libre et insouciante dans une nature bienveillante, entourée d’amis vagabonds et chérie par des parents d’une tendresse infinie. Persuadés que la jeune fille mérite une vie meilleure, loin de la pauvreté des champs, ses parents l’emmènent malgré elle en ville, où elle deviendra une riche princesse.
Tiraillée entre l’amour sincère de ses parents, bernés par un idéal de vie, et sa liberté, Kaguya refuse de se soumettre aux expectations de sa classe sociale. La jeune princesse redéfinit sans cesse les règles, rejetant ses prétendants qu’elle ne veut pas épouser. Une liberté fragile, puisque la jeune fille est rattrapée par sa condition, dans une scène finale à la frontière de la science-fiction, d’une beauté éblouissante.
Isao Takahata fait du Conte de la Princesse Kaguya une oeuvre sensible et mature, une ode à la nature et à la liberté d’une rare finesse. Aussi réconfortant qu’émouvant, l’ultime chef-d’oeuvre du regretté Takahata s’inscrit au panthéon des plus beaux films du studio.
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