LE DÉSERTEUR
Shlomi, un soldat israélien de 18 ans, décide de quitter le front pour s’offrir une virée à Tel Aviv.
Critique du film
L’histoire s’inspire de la propre expérience du réalisateur israélien, lorsqu’il était lui-même soldat. L’idée lui vient de déserter le temps d’une nuit pour vivre une aventure et s’échapper de la violence de son quotidien. Après avoir erré jusqu’au petit jour sans que rien d’incroyable ne se passe, il rentre au camp où personne ne s’est aperçu de son absence, comme si de rien n’était. C’est en repensant à cette occasion ratée que Dani Rosenberg entreprend l’écriture du scénario qui situe cette fois-ci l’évasion de son personnage là où la sienne s’est arrêtée. C’est ainsi qu’au petit matin, après une nuit de frictions, commence la folle de journée de Shlomi, soldat encore trop jeune pour admettre la réalité de son quotidien et n’ayant d’autre désir que celui de revoir Shiri, la femme qu’il aime.
Le film se concentre sur les tribulations de Shlomi qui, de son domicile à la plage en passant par le restaurant de Shiri, l’amènent à traverser cette ville qu’il connaît par cœur pour tenter d’échapper aux troupes parties à sa recherche. La situation se tend quand il apprend qu’il est recherché, après que son régiment le croit kidnappé par l’ennemi. Commence alors une spirale périlleuse pour Shlomi, dans laquelle son entêtement se confronte à l’inquiétude de ses parents et à ses envies d’avenir radieux aux côtés de Shiri.
Pas si fiction
Si Le Déserteur est un film pacifiste dans le sens où il ne contient pas de message politique ni de propagande, le conflit n’en est pas pour autant occulté. Il est relégué à la marge mais existe tout de même, par exemple dans le rapport qu’il entretient avec Tel Aviv, où des sirènes indiquant la présence de roquettes interrompent dans le calme des dîners au restaurant qui reprennent leur cours normal une fois l’alerte passée. On découvre alors une ville vivante, vibrante, agitée et cosmopolite où le conflit est présenté comme un contre-temps qui ralentit les loisirs. Par ses choix de couleur et l’optimiste forcené de son héros, Dani Rosenberg s’applique à montrer la face grisante de son histoire. Cela passe par des ambiances volontiers comiques qui tranchent avec la tension sous-jacente, et aussi par l’immaturité de Shlomi.
Le titre international, The Vanishing soldier, a une dimension plus imagée, plus poétique que la désertion pure. Le jeune héros éprouve un sentiment qu’il n’arrive pas à nommer. Plus que s’échapper, il voudrait pouvoir disparaître, pour une journée ou pour toujours. Lui qui subit une situation malheureuse alors qu’il rêve d’une vie normale écoute ses tripes sans réaliser les conséquences de son acte. Présent dans chaque plan, le jeune acteur Ido Tako est épatant dans son premier rôle au cinéma. Son magnétisme et son implication apportent à son personnage, jouant de malchance et accumulant les bourdes, l’idée d’une jeunesse éternelle autant qu’une dimension de martyre. En témoigne un regard caméra fulgurant, citation inévitable, même si moins dramatique, du fameux plan de Requiem pour un massacre.
En imaginant la démission de son soldat, Le Déserteur s’intéresse au présent de son pays et au statut de ce conflit qui frappe encore aujourd’hui. Sans verser dans l’absurde ni dans le pamphlet anti-guerre, Dani Rosenberg offre une réflexion réaliste sur le prix payé par une jeunesse qui doit conjuguer ses ambitions avec le devoir patriotique.