LE DIABLE, TOUT LE TEMPS
À Knockenstiff, bled paumé de l’Ohio, une bande de personnages louches – un prédicateur impie (Robert
Pattinson), un couple barré (Jason Clarke et Riley Keough) et un shérif corrompu (Sebastian Stan) –
gravitent autour du jeune Arvin Russell (Tom Holland) qui doit combattre des forces maléfiques
menaçant de s’en prendre à lui et sa famille.
Critique du film
Adaptation du roman du même nom de Donald Ray Pollock (paru en 2011), Le diable, tout le temps débarque ce 16 septembre sur la plateforme du géant américain et transporte ses abonnés dans le fin fond de l’Ohio pour un western au casting formidablement alléchant. Excusez du peu, c’est tout simplement Tom Holland, Mia Wasikowska, Robert Pattinson, Sebastian Stan, Jason Clarke, Bill Skarsgård, Haley Bennett, Riley Keough et Eliza Scanlen qui apparaissent à l’écran sur les 135 minutes que dure le long-métrage d’Antonio Campos, produit par Jake Gyllenhaal.
Le (néo-)western, genre qui s’emploie si souvent à démystifier l’Amérique, s’attaque à une institution puissante outre-Atlantique : l’église. Un narrateur nous immerge entre Knockemstiff, dans l’Ohio, et Cold Creek, en Virginie. Deux lieux où se déclineraient les intentions de Dieu. Le récit se situe à la fin des années 1950. Une suite d’événements sordides – presque tous liés à la « volonté du Tout Puissant » – plonge Le diable tout le temps, dès ses premières scènes, dans l’horreur gothique, avec une temporalité fluctuante où le spectateur est supposé rattacher les morceaux, des soldats crucifiés aux meurtres de jeunes femmes.
L’enfer, c’est les autres
Arvin (Tom Holland) est un orphelin qui grandit dans l’amertume et la colère, recueilli par son oncle et sa grand-mère suite au décès de ses parents, déclenchant une crise de foi évidente. Dans l’Amérique de l’après-guerre, le film de Campos dépeint un paysage déprimé par un demi-siècle de violence qui renforce la confiance de la population dans les plans de Dieu. La cruauté et laideur n’en finissent pourtant jamais entre les suicides, les meurtres d’autostoppeurs et les tentatives de viols répétés, tandis qu’Arvin doit affronter ce monde écœurant.
Franchement plombant, le film ne profite pas vraiment de son casting en or. Holland se retrouve enfermé dans ce rôle de jeune homme meurtri, comme nombre de ses comparses masculins. L’émotion du film vient finalement de deux actrices talentueuses (malheureusement cantonnées à une dizaine de minutes de temps d’écran chacune) : la toujours lumineuse Mia Wasikowska et la révélation de Sharp Objects, Eliza Scanlen. Robert Pattinson, lui, livre une prestation habitée mais celui-ci ne fait pas long feu non plus.
En voulant sonder l’âme de gens répugnants, Le diable, tout le temps papillonne d’un destin tragique et glauque à un autre, gardant le spectateur à distance, qui assiste à une petite galerie des horreurs humaines avec un détachement qui se transforme progressivement en lassitude. Comme son protagoniste orphelin, malmené de toutes parts, le film se perd dans les bois. Tout ce « joli monde » semble coincé en enfer, le spectateur s’y embourbe à son tour.
Bande-annonce
16 septembre 2020 (Netflix) – Avec Tom Holland, Mia Wasikowska et Robert Pattinson