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LE FANFARON

A la mi-août, Rome, silencieuse et endormie, voit son immobilisme dérangé par le moteur pétaradant du véhicule du jeune Bruno qui s’arrête au pied de l’immeuble d’un étudiant studieux, Roberto. Monté pour emprunter son téléphone, il parvient finalement à embarquer l’étudiant dans ce qui va être le road trip le plus inattendu de toute son existence.

Critique du film

Au moment où la censure est abolie en Italie, le cinéma souffle un peu et Dino Risi, joint aux néo-réalistes, savoure la liberté de créer une histoire rocambolesque, aux protagonistes allant à contre-courant des forces de l’ordre et de la religion tournées en ridicule. Animé par un talent fougueux, Vittorio Gassman diffuse au travers de son rôle une énergie aussi exténuante qu’hypnotique, aux propos osés, allant parfois jusqu’à traduire une pensée totalement immorale et faussement libre, voire raciste sous certains aspects. Vêtu en dandy des villes, le personnage de Bruno Cortona n’est pas sans rappeler la venue du mouvement hippie, dans sa façon de penser et de concevoir les relations sentimentales par un amour désengagé. C’est aussi la caricature de l’homme-enfant, jouant à cache-cache avec la réalité pour n’obtenir du quotidien que l’amusement, le loisir. Habitué aux rôles courtois et romantiques, Gassman se prête au jeu de l’amoureux égocentrique qui prend ici toute la place et aveugle l’œil exaspéré du spectateur par son côté hautement fantasque, opportuniste, superficiel, laissant son âme sur le bas-côté. 

POUR L’AMOUR DE LA LIBERTE

Le cirque pourrait le lasser à la longue, mais une chose le sauve de l’ennui : la présence apaisante de Jean-Louis Trintignant. L’étudiant apeuré qui n’a pas encore joui de la vie, et qui, sortant de l’école pour entrer à l’université, ne connaît l’aventure et le lâcher-prise qu’au travers des histoires que d’autres ont écrites pour le divertir. Cette histoire va être la sienne. Pour une fois, les montres ramollissent et de l’apprentissage ne subsiste qu’une chose : la découverte pratique, sur le terrain. Il Sorpasso, titre original de Le fanfaron qui signifie littéralement « le dépassement », pourrait bien ainsi traduire un désir de franchir certaines limites apposées par une situation économique loin d’être alors miraculeuse.

La comédie italienne n’a pas complètement triomphé avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement, et Le fanfaron transpire cette ironie désillusionnée du rire forcé par moments, du sarcasme poussif pimenté par quelques histoires de famille si évidentes que plus personne ne semble s’en rendre compte, hormis celui qui vient de l’extérieur. Peu importe la critique, nous aurons fait un film. C’est l’impression que donne Dino Risi, maîtrisant cependant son sujet avec de beaux retournements de situations. 

« LE BIEN NE FAIT PAS DE BRUIT… »

« J’adore ceux qui font du bien sans faire de bruit ». Sans résumer cette traversée sans but de Rome par une parole comique de Brigitte Bardot empruntée au prêtre catholique François de Sales, ce serait toutefois mentir qu’affirmer que Le fanfaron n’est pas un film bruyant et c’est même l’une de ses caractéristiques les plus assumées, tranchant avec cette atmosphère délicatement anesthésiée d’un jour férié en Italie. De bien et de mal, il n’est d’ailleurs pas question. C’est même précisément de la subtilité du milieu dont souhaite parler son réalisateur, de cet équilibre fragile entre la morale et le scandale, entre Don Juan le libertin et Roméo le romantique, ce sublime et ce ridicule qui se frôlent sans jamais réellement se rencontrer.

Parallèle à la sortie du premier James Bond, réalisé par Terrence Young, Le fanfaron rythme son scénario au son du klaxon de la Lancia conduite par Bruno Cortona, par le biais de prises de vue variées et fluides, mettant en valeur une technique axée sur le road trip et ses étapes. On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que Dennis Hopper citera Le fanfaron comme l’une de ses grandes inspirations pour la réalisation d’Easy Rider en 1969.

Vivant au jour le jour, celui qui entraîne dans sa folle course un petit étudiant docile, n’est-il pas aussi celui qui rêve à vivre sur la route en bohème, tandis qu’il roule en décapotable et peine à se détacher du doux luxe de rentrer chez soi…


Disponible sur UniversCiné et LaCinetek


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