LE MONDE D’APRÈS 3
Six récits incorrects, reliés et mis en abyme, six contes ironiques et cruels sur l’incohérence d’un monde faussement rationnel. On y retrouve une galerie de personnages tragi- comiques, plus vrais que nature : néo-ruraux végans, médecin corrompu, séquestrée volontaire, actrice cherchant sa « niche », psychanalyste criminelle, écologistes fanatiques, survivalistes moins inquiétants que leurs adversaires, sensitive reader prise à son propre piège, tous plongés dans des situations poussées jusqu’à l’absurde, puisque l’absurdité est devenue l’autre nom du réalisme. Comme les précédents, ce film mord les mollets des Vertueux cyniques, des Névrosés du CO2, des Fanatiques de l’ordre sanitaire, vus cette fois-ci sous l’angle du fantastique, de l’onirisme et de l’épouvante. Le rire en est d’autant plus grinçant, et la fable plus inquiétante, parce que la folie du monde n’a jamais été si proche de nous.
Critique du film
Après avoir réalisé plusieurs films et téléfilms, le réalisateur Laurent Firode s’est attaqué à ce projet de long-métrage, constitué de six petites histoires relativement courtes – le film dure une heure vingt-sept – qui a le mérite d’explorer avec beaucoup de drôlerie et d’acuité les travers de la bienveillance – ou bien-pensance – écologique ou sanitaire poussée à l’extrême. Le mieux est l’ennemi du bien, dit-on. La preuve par six avec ces récits drolatiques, caustiques, parfois inquiétants.
« Le Coq » met en scène des végans exilées à la campagne que le chant du coq insupporte et joue habilement avec les codes du film fantastique ou d’horreur. « Doliprane » nous entraîne dans un récit post-crise sanitaire et confinement réjouissant, où le Faites ce que je dis, pas ce que je fais pourrait se retourner dangereusement contre un virologue médiatisé et terriblement hypocrite et calculateur. « La Mèche coupée » surfe habilement sur le thème des artistes qui se servent sans vergogne des causes politiques ou humanitaires pour se faire valoir. « Solastalgie » évoque la question des activistes qui se mettent en danger pour exercer un chantage émotionnel. « L’Infaux » traite du journalisme d’investigation qui prône la recherche de la vérité mais dont les adeptes oublient de balayer devant leur porte. Quant au dernier segment de cet ensemble réjouissant, « Le Monde parfait », il clôt ce cycle d’histoires avec intelligence et suffisamment de noirceur assumée pour conférer au tout une vraie crédibilité en nous parlant de la culpabilité et des susceptibilités exacerbées, mais aussi d’un monde où la recherche de la perfection mène tout droit à un monde orwellien.
Le monde et les personnages que nous décrit Le Monde d’après 3, extrapolation de ce qui nous entoure au quotidien, qu’on peut apercevoir dans les médias ou dans son entourage proche, s’avère à certains moments purement cauchemardesques. Qu’il s’agisse de culpabiliser des personnes qui ont le malheur de ne pas tomber dans les mêmes excès que des ayatollahs de l’hygiénisme ou du politiquement correct – la réécriture des textes littéraires, la tentation de punir physiquement, voire de tuer ceux qui polluent trop – ou d’imposer ses convictions, Le Monde d’après 3 pointe ces dérives modernes, fait preuve d’un humour salvateur, quand le film s’attaque à certaines simagrées – le récit de l’actrice – qui sont dans l’air du temps mais qui ne sont là que pour se donner une fausse légitimité.
Avec ses saynètes, mi-cocasses, mi-angoissantes, ses passages musicaux lancinants qui viennent souligner une ambiance tendue où l’on sent que tout pourrait déraper et son beau casting composé de jeunes artistes peu connus, mais familiers de l’univers du réalisateur, Le Monde d’après 3 est une très bonne surprise.
22 novembre 2023 – De Laurent Firode, avec Irène Ismailoff, Patrick Dross, Christian Diaz