LE PRIX DU PASSAGE
Natacha, 25 ans, jeune mère célibataire galère pour élever son fils Enzo, 8 ans. Walid, migrant d’origine irakienne, attend de réunir assez d’argent pour payer son passage vers l’Angleterre. Aux abois, ils improvisent ensemble une filière artisanale de passages clandestins. Bientôt, leur “petite entreprise” doit faire face aux menaces d’Ahmet, le chef d’un important réseau de passeurs…
Critique du film
Réalisateur ayant fait ses armes majoritairement à la télévision, Thierry Benisti signe avec Le prix du passage son troisième long métrage pour le grand écran. L’origine du projet se base sur l’expérience de sa scénariste, Sophie Gueydon, qui a longtemps collaboré avec des associations à Paris puis à Calais et tissé des liens avec des migrants qu’elle a rencontrés. Son propre vécu devient ainsi le coeur de l’écriture de cette fiction qui se tient dans le contexte post-démantèlement de la « jungle » de Calais.
Après Welcome de Philippe Lioret et, plus récemment, Ils sont vivants de Jérémie Elkaïm ou encore Les survivants de Guillaume Renusson, le sujet de la migration clandestine et de l’exil politique revient sur les écrans autour de l’histoire du personnage de Natacha, jeune serveuse qui peine à boucler les fins de mois et à assurer une vie décente à son fils Enzo. Tandis qu’elle rencontre par hasard Walid, un migrant irakien qui sollicite d’abord l’utilisation de ses sanitaires pour une simple douche, deux mondes très différents se rencontrent et finissent par s’allier, par la force des choses – et surtout celle de la précarité et du besoin.
Dans l’attente de retrouver son prochain lieu de vie, porté par l’espoir d’une solution pour gagner l’Angleterre, le jeune Walid doit pour l’instant rester sur le sol français le temps de réunir les fonds réclamés par son passeur. Bloqué à quai, face à la mer. Seul, loin des siens. Incapable de payer ses loyers et ses factures, prise à la gorge, Natacha accepte de transgresser la loi pour remplacer la chaudière qui leur fait défaut, mais va finalement céder à l’appât du gain, non par avarice mais parce qu’elle semble devenir la seule voie vers un quotidien moins précaire où elle pourra enfin sortir la tête de l’eau, s’émanciper de son mère dont elle reste dépendante et offrir un peu de confort à l’existence qu’elle partage avec son fils dans un modeste logement social de la ville de Boulogne-sur-mer.
Rester vivants
Ce désir de devenir enfin une mère digne de ce nom pour Enzo et une adulte capable de subvenir à ses besoins et de prendre ses responsabilités est le moteur du thriller social de Thierry Benisti qui réunit deux êtres à la recherche d’un ailleurs, d’une option pour s’arracher à leur situation à l’arrêt. Porté par le tandem Alice Isaaz – Adam Bessa (convaincant), Le prix du passage pointe du doigt un système qui enferme et les rouages d’un monde qui vous pousse parfois, par désespoir, à transgresser les règles. À la limite de la morale, le film fait du spectateur le témoin des choix de Natacha, qui partage son désarroi, sa peur, mais aussi son euphorie quand la collaboration improvisée avec Walid tourne à leur avantage. Pour autant, leurs actes ne seront pas sans conséquence et ils devront en assumer les risques, quitte à s’attirer les représailles des mafieux qui gèrent le trafic migratoire, mais également des forces de police dont leurs agissements ne manqueront pas d’éveiller les soupçons.
Souffrant inévitablement de la comparaison avec les productions évoquées plus haut, Le prix du passage fait le choix de privilégier la dimension suspense de son récit et la quête d’un nouveau départ (et de nouveaux horizons) de ses deux personnages. Après une première partie engageante, le réalisateur adopte un style plus télévisuel et grand public dans sa seconde partie, finissant par développer des sous-intrigues de thriller qui l’éloignent du naturalisme d’un Welcome ou de la belle maîtrise de Kaurismäki. Ce choix s’avèrera peut-être payant pour toucher un public plus large et continuer de sensibiliser sur cette impasse dans laquelle se retrouvent de nombreux migrants désespérés, mais le traitement paraît peut-être trop scolaire pour pleinement convaincre.
Bande-annonce
12 avril 2023 – De Thierry Binisti, avec Alice Isaaz, Adam Bessa