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LE RÈGNE ANIMAL

Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce mal mystérieux. ​ Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Emile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.

Critique du film

Neuf ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Thomas Cailley pour concrétiser son second long métrage après la révélation Les combattants, succès critique valorisé par trois prix aux César (deux pour ses comédiens, un pour la meilleure première oeuvre). Neuf ans de gestation, lors desquels il n’est toutefois pas resté inactif, signant notamment la mini-série Ad Vitam pour Canal+. C’est à l’occasion d’un jury de lecture de scénario à la FEMIS que l’artiste tombe sur une proposition signée Pauline Munier, dans laquelle des humains subissent des mutations qui les dotent progressivement de traits animaux. Séduit par cette idée de réaliser un film fantastique se tenant dans notre époque, il lui propose de développer le projet à deux et d’en faire le film, celui que les festivaliers ont pu découvrir à l’occasion de l’ouverture d’Un Certain Regard, Le règne animal.

Le film s’ouvre sur un prologue d’une grande efficacité, dans les embouteillages du périphérique parisien. Un banal échange entre un père et son fils vire progressivement en dispute. Excédé, le garçon sort sur la chaussée, au milieu des voitures à l’arrêt. Alors que leur altercation prend de l’ampleur et que le père tente de convaincre son fils de regagner le véhicule, une bagarre semble éclater dans une ambulance toute proche. Soudain surgit un patient, violemment éjecté par les portes arrière. D’abord hors champ, il finit par apparaître aux yeux des deux héros, et déployer une impressionnante aile de rapace sur l’un de ses bras. Effrayé par cette vision, ils se mettent à l’abri, mais l’homme ailé s’enfuit rapidement. Le spectateur, qui croyait partager la surprise des deux protagonistes, comprend en une phrase que ce phénomène ne les surprend pas plus que ça et qu’il se passe quelque chose dans notre monde qui ne tourne pas rond. Quelle époque.

Il faut dire que François et son fils Emile sont déjà passés par là. En effet, ils se rendaient initialement dans un établissement de soin pour rendre visite à leur épouse et mère, qui a développé des symptômes similaires, la transformant progressivement en animal. Malgré tout l’amour et la volonté dont il a fait preuve, François a été contraint de confier celle qu’il aime à des médecins. L’implicite est judicieusement mis à profit dans ces premières minutes pour nous faire comprendre que le phénomène a pris une certaine ampleur, qu’il n’est pas non plus récent et que les cas ne manquent pas, au point que la recherche ait fait certains progrès permettant de mieux connaître la maladie. Lorsqu’on leur propose qu’elle soit transférée en Province pour un suivi plus adapté, père et fils acceptent de déménager pour rester plus proches d’elle.

Nouveau cadre pour une nouvelle vie. L’un et l’autre tentent de faire face et de s’adapter à cette nouvelle situation, mais bien vite une nouvelle tragique leur tombe sur la tête : le transfert des patients concernés s’est mal passé. Suite à une sortie de route causée par le mauvais temps, le véhicule qui les transporter a effectué une sortie de route, pour finir sa course en contrebas, dans un lac. Déterminé à ne pas baisser les bras, les secours n’ayant pas retrouvé une bonne partie des passagers, François se met en tête de retrouver sa femme et prépare une expédition en pleine forêt. L’adolescent, lui, tente de s’intégrer dans son nouveau lycée, à quelques semaines de la fin d’année.

Le règne animal

Ce premier segment du film nous permet de retrouver de nombreuses qualités qui nous avait séduits dans Les combattants. Une mise en scène intéressante et nerveuse, une écriture des dialogues engageante et un tempo comique qui fait souvent mouche. Avec quelques éléments faisant écho à son précédent film (le survivalisme et l’humanité qui court à sa perte, la forêt avoisinante), les ingrédients semblent alors réunis pour une proposition de cinéma ambitieuse qui explorera le rapport de l’homme au vivant.

Malheureusement, au lieu de se focaliser sur cet enjeu habilement mis en place, le film va chercher à viser plus large, trop large, pour étendre son univers, quitte à doper ses thématiques et ses sous-intrigues. En multipliant les arcs scénaristiques, Le règne animal semble se vouloir beaucoup plus vaste qu’il ne parvient à l’être, s’encombrant de personnages secondaires superflus et sous-exploitant d’ailleurs une Adèle Exarchopoulos qui n’a quasiment rien de consistant à jouer.

Peinant à trouver sa véritable identité, à force de vouloir maladroitement croiser les genres, Le règne animal alterne le bon (quelques scènes de chasse, dont celle du supermarché) et le beaucoup moins bon. Malgré son énergie, le film devient indigeste, la narration se perdant en chemin, égarant le spectateur. Inutilement long (le film gagnerait à être remonté pour être délesté d’une bonne vingtaine de minutes), Le règne animal peine à se conclure et nous laisse sur l’impression d’être passé à côté d’un vrai bon film. Ce film hybride qui n’aurait pas bouclé sa mutation ressemble à un pari à moitié perdu pour Thomas Cailley, en dépit du soin accordé au maquillage et aux effets spéciaux.


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