LE SIXIÈME SENS
Will Graham est un des experts-légistes les plus habiles du F.B.I. Il excelle dans l’art de reconstituer à partir d’éléments quasiment inexistants le profil d’un assassin. Mais son « sixième sens » lui a valu de frôler plusieurs fois la mort. Alors qu’il est retiré depuis trois ans, un ancien collègue, Crawford, vient le relancer pour une affaire qui s’annonce complexe : deux paisibles familles de Birminghan et Atlanta ont été, à un mois d’intervalle, sauvagement massacrées par un « tueur de la pleine lune ».
CRITIQUE DU FILM
Il est de certains films qui marquent durablement tant leur beauté visuelle et la construction des personnages impressionnent durant le visionnage. Le Sixième Sens de Michael Mann, adapté du roman Dragon Rouge, en est assurément un exemple criant, notamment par sa narration qui retrace l’enquête menée par William Graham. Ce dernier décide de rendre plusieurs fois visite au Dr Hannibal Lecktor, désormais incarcéré, pour qu’il l’aide à retrouver la trace de Dragon Rouge.
Naissance du Mal(e)
Si William Graham a un don pour comprendre les agissements des tueurs en série (un sixième sens, donc), sa coopération avec Hannibal Lecktor dégage pourtant quelque chose de malsain. William ne cesse de vouloir se détacher du sentiment amer qui l’anime : il est fasciné par Lecktor et son intelligence, mais recèle en lui des similitudes avec sa propre personnalité. William tente ainsi tant bien que mal de chasser ce constat, mais reste marqué par sa chasse à l’homme. Les séquelles psychologiques lui sont sans cesse rappelées. D’abord par sa famille qui lui demande ouvertement s’il a déjà songé à assassiner sa mère et son fils. Puis par ses collègues du FBI qui l’exhorte à ne pas trop se plonger dans l’enquête pour sa santé mentale.
William ne cesse pourtant de façon obsessionnelle de se mettre dans la peau de Dragon Rouge en déchiffrant son mode opératoire, ses obsessions et ses vices sordides pour pouvoir l’arrêter. Porté par un casting savoureux (Tom Noonan effrayant dans le rôle de Dragon Rouge), une ambiance fascinante et une bande originale somptueuse capturant les années 80 à merveille, Le Sixième Sens est magistralement filmé par Michael Mann dont la patte est identifiable, assez similaire ici à celle de Miami Vice.
Testament des années 80
Troisième film du réalisateur issu de Chicago après Le Solitaire et La Forteresse Noire – au montage charcuté -, il se dégage du Sixième Sens une atmosphère mystique aux couleurs rouges et bleutées qui suintent à merveille les années 80. Un an auparavant, un autre film avait réussi le même exploit avec le portrait d’un flic tiraillé dans un Los Angeles sombre et peu enviable : Police Fédérale Los Angeles. Le hasard fait bien les choses, puisqu’il fut réalisé par un réalisateur issu lui-aussi de Chicago proche de Mann : William Friedkin, qui signe ici le meilleur film de sa carrière. L’acteur principal de Police Fédérale Los Angeles, découvert par Friedkin après avoir joué dans le premier film de Mann n’est autre que…William Petersen, protagoniste dans Le Sixième Sens. Rares sont les acteurs qui peuvent s’enorgueillir de se retrouver deux années consécutives au casting d’un chef d’oeuvre. Malheureusement, trop rares sont les apparitions suivantes de William Petersen au cinéma, qui s’est depuis surtout illustré à la télévision dans Les Experts, et au théâtre.
Au regard de sa narration et de son atmosphère, Le Sixième Sens demeure donc le trésor mésestimé de la filmographie de Mann. Le film souffre sans doute de la similarité de son titre avec le Sixième Sens de M. Night Shyamalan avec Bruce Willis, et est éclipsé par les adaptations suivantes centrées autour du personnage de Leckter comme le Silence des Agneaux. Il a pourtant toute sa place au panthéon des grands films, et demeure un testament des années 80, servi par des plans somptueux qui marquent durablement la rétine.
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