LE SORELLE MACALUSO
Le film raconte l’enfance, l’âge adulte et la vieillesse de cinq sœurs nées et élevées dans un appartement au dernier étage d’un immeuble de la banlieue de Palerme. Une maison qui porte les signes du temps qui passe comme ceux qui y ont grandi et ceux qui y vivent encore. L’histoire de cinq femmes, d’une famille, de celles qui partent, de celles qui restent et de celles qui résistent.
Critique du film
L’effervescence d’une belle journée estivale, chacune à leur tour les sœurs Macaluso se mettent en mouvement direction la plage de l’hôtel Charleston. On réveille une des ainées, reçoit un livreur de colombes, tout suit son cours pour ces cinq jeunes filles guidées par le soleil et la joie de l’insouciance. Cette première scène du nouveau film d’Emma Dante, Le sorelle Macaluso, présenté en compétition au dernier festival de Venise, est un enchantement sans aucune fausse note. On découvre chaque personnage, elles ont chacune leur moment, toutes différentes et à la fois complémentaire au sein de leur vieil appartement tentaculaire peuplé de volatiles saluant leur départ vers la mer avec une grâce confondante. Une fois prête c’est une danse effrénée qui s’empare du petit groupe, explosant d’énergie et d’ondes positives.
Cette merveille de scène d’exposition est presque un handicap pour le film : dès lors il devient difficile de garder une qualité constante. Emma Dante joue avec les temporalités, ses « filles » vieillissent sans prévenir, elle nous laisse deviner le devenir de chacune et l’ambiance noircit avec chaque minute écoulée. L’intrigue fonctionne comme une chute, les anges sont destinés à faillir et être expulsés du Paradis, tutoyant désormais les Enfers. Si l’introduction décrivait le pinacle de l’enfance, la chute intervient sous la forme d’un drame, la mort de la plus jeune d’entre elles. La réalisatrice joue avec le hors champ, elle ne nous montre jamais ce moment où tout bascule, tout du moins pas avant qu’il ne soit trop tard et que leur destin soit scellé.
Chainon manquant
Le sorelle Macaluso est rempli tout entier d’une nostalgie infusant cet appartement qu’elles ne quitteront pas. Pourquoi n’y-a-t-il pas d’adultes dans leur monde, on ne le sait pas. La sororité s’organise tant verticalement, les ainées guident, qu’horizontalement car chacune à sa place et son rôle dans l’architecture de leur vie quotidienne. Les détails et le soin que prend la caméra à les regarder et les mettre en valeur surnage dans cette histoire. Un meuble, un jouet ou un tableau, l’identité de ce groupe de sœurs s’incarne dans chaque chose. En vieillissant, tout devient subitement terne, les couleurs disparaissent au profit d’une obscurité poussiéreuse qui contamine les survivantes.
Le grand problème de ce film si prometteur tient dans ce dispositif : l’intérêt du récit décline avec celui des sœurs. La mise en scène est moins fluide, moins entrainante, et on regrette tout comme elle la fougue et la folie des premiers instants. On comprend vite que l’absence de la petite dernière, Antonella, est la raison de la désintégration de la cellule familiale. Les quatre autres sont visitées par son souvenir, rappelant tout le liant qu’elle apportait à la sororité, elle le chainon manquant qui cimentait une famille déjà amputée de ses parents. Les trente premières minutes avaient aussi divulguées les prémisses de tout ce que ces personnages auraient pu devenir. On pense notamment à la cadette et son histoire d’amour avec une camarade du cinéma local. La scène est sublime d’érotisme et de tendresse, une bulle suspendue dans le temps qui ne demandait qu’à se réaliser pleinement.
Ces moments semblent nous être volés, on ne saura jamais ce qu’aurait pu devenir Maria et ses sœurs. A la place ce n’est que gris et affliction, tristesse et mort. Si Emma Dante est cohérente dans son projet, tout est justifiée et fonctionne, on se prend à rêver à un autre devenir pour cette histoire qui fait tant rêver l’espace d’un instant. Malgré tout la partition reste très belle, très bien orchestrée, louvoyant entre plusieurs styles, du film familial à la comédie musicale, en passant par le film social ou le drame.
Si la promesse n’est pas totalement réalisée, il reste de sublimes images qui n’ont pas fini de tourner dans les esprits rêveurs, célébrant l’été et l’innocence de la jeunesse.
Bande-annonce
De Emma Dante, avec Donatella Finocchiaro, Ileana Rigano et Eleonora De Luca.
Présenté au festival de La Roche sur Yon