LE SOUPIR DES VAGUES
Critique du film
Inspiré par le très célèbre Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais, Kôji Fukada aborde les conséquences du terrible tsunami de 2004, de l’autre côté de la mer cependant, en Indonésie. Il décide de filmer avec une grande douceur ces villes où sont encore échoués des navires fantômes, gardiens de souvenirs, et ces hommes et ces femmes, tatoués de cet évènement tragique, qui s’expriment comme dans un documentaire. Le soupir des vagues jongle avec une esthétique de docu-fiction pour introduire progressivement une histoire beaucoup plus mystérieuse, et vaste. Une histoire de feu de camp, à faire peur et rêver à la fois.
Les balbutiements amoureux et la maladresse de l’énonciation des sentiments, entre traditionalisme et ouverture à autrui, sont un prétexte au méli-mélo des cultures des jeunes gens mis en scène autour de cet étranger venu d’entre les vagues, qui se rencontrent, et se découvrent.
« La Nature agit sans se soucier de l’espèce humaine ». Kôji Fukada aborde son propre film avec beaucoup de tendresse et de bienveillance, s’attardant sur les forces de la Nature dans toute leur impartialité. Les victimes sont-elles à plaindre éternellement ? Le film rend ouvertement hommage aux croyances animistes de façon positive et poétique, allégeant le souvenir de la catastrophe naturelle. Il s’agit alors d’une thérapie, bercée par le flux et le reflux, continuellement en arrière-plan. Laut, qui veut dire « mer » en indonésien, cet homme sans âge soudainement apparu au sein de la famille, accompagne les vivants, les observant calmement et avec bienveillance. Il a l’attitude du vieillard décrite par Hemingway dans son roman le plus fameux ; « tout en lui était vieux, sauf son regard qui était gai et brave ». Celui attendu comme le héros du film prend alors l’apparence d’un simple fantôme, témoin du rassemblement d’une famille cherchant l’apaisement et la réunion.
L’homme venu de la mer
Le travail louable de la lumière, de l’image en général, enveloppe chaque scène dans une atmosphère de cocon aux accents électriques, renforcé par le jeu des acteurs qui se meuvent lentement, donnant à voir d’agréables tableaux contemplatifs et touchants de sincérité. Par sa langueur et son choix de non-résolution, le film fait pourtant l’effet de l’engourdissement de questionnements multiples laissés en suspension. Le soupir des vagues laisse ainsi une sensation de rêverie, une légère frustration d’être resté en surface de ce qu’avaient à raconter ses personnages.
« Notre peur de l’étranger révèle nos failles ». Fukada rejoint peut-être sans le savoir cette parole cinglante écrite par Saint-Exupéry : Une fois pris dans l’événement, les hommes ne s’en effraient plus. Seul l’inconnu épouvante les hommes.
Bande-annonce
4 août 2021 – De Kôji Fukada, avec Dean Fujioka, Mayu Tsuruta