L’ÉCHINE DU DIABLE
Critique du film
L’Echine du diable est un projet que Guillermo del Toro portait en lui depuis longtemps, bien avant son premier film Cronos, et vers lequel il va se réfugier après les déboires de sa première production hollywoodienne, Mimic. C’est en Espagne, auprès des frères Almodóvar, que le réalisateur mexicain trouve des producteurs attentifs pour faire le film dont il rêve et qui deviendra l’une des œuvres majeures de sa filmographie, petit frère du Labyrinthe de Pan, avec lequel il forme un diptyque sur l’enfance et la guerre d’Espagne.
Restauré en 2K, c’est un immense plaisir de revoir L’Echine du diable dans une copie aussi belle, qui rend grâce au travail de Guillermo Navarro, dont la photographie est une réelle splendeur. Les couleurs des séquences de jour, dominées par le jaune, renvoient toute la chaleur pesante du soleil du désert. Les scènes de nuit brillent de leurs contrastes et de leurs nuances d’obscurité. Le grain de la pellicule 35 mm est parfaitement respecté conservant la texture vivante de l’image qui sied parfaitement à l’ambiance du film. Cette restauration permet une véritable redécouverte de l’œuvre tant la réussite du film passe, au moins en partie, par son empreinte visuelle.
Mais il serait injuste de ne réduire L’Echine du diable qu’à sa photographie, le film étant par ailleurs un fantastique conte horrifique. Il prend place dans un orphelinat dirigé par des républicains et qui recueille des enfants dont les parents sont pour beaucoup morts ou en train de combattre pour leur pays. Si l’établissement est isolé et semble protégé de la guerre, elle n’est cependant pas loin et menace à chaque instant, à l’image de cette bombe au milieu de la cour, que l’on dit désamorcée mais qui reste inquiétante.
Au début du film, ce sont les peurs enfantines qui dominent chez les jeunes pensionnaires, celles de l’indicible, de la nuit et de ses murmures, personnifiées dans le fantôme qui hante cet orphelinat et magnifiquement représentées lors de la première séquence nocturne. Pour autant la violence de cette scène va au final survenir d’un homme bien réel, archétype des grands méchants de Guillermo del Toro, un monstre humain bien plus terrifiant que le bestiaire de l’univers fantastique.
Car c’est bien le monde tangible qui va progressivement nourrir la peur des enfants. L’Echine du diable, c’est un récit sur la perte de l’innocence, sur la guerre qui fait grandir trop vite les enfants. Les fantômes, au départ craints, vont devenir des alliés précieux pour les jeunes protagonistes face à la violence du monde réel. Ainsi, ces adultes en devenir vont tirer leur force de ceux qui sont morts pour les défendre, pour honorer leur mémoire, continuer à se battre et aider à recouvrer leur liberté.