LES BIEN-AIMÉS
Du Paris des sixties au Londres des années 2000, Madeleine, puis sa fille Véra vont et viennent autour des hommes qu’elles aiment. Mais toutes les époques ne permettent pas de vivre l’amour avec légèreté. Comment résister au temps qui passe et qui s’attaque à nos sentiments les plus profonds ?
CRITIQUE DU FILM
Les Bien-Aimés, petite soeur des Chansons d’Amour né cinq ans après celui-ci, retrouve réalisateur, acteurs et compositeur afin de laisser libre court à la poésie sans chichis de l’auteur de La Belle Personne qui prenait déjà vie chez son ainé.
Christophe Honoré, ou le nouveau Demy français le plus réaliste du XXIème siècle, prend le parti de s’immerger avec son film musical Les Bien-Aimés, au sein de deux générations ayant chacune connue des fêlures et blessures entre le Paris des sixties jusqu’à celui des années 2000. On y suit Madeleine éperdue d’amour pour Jaromil, un jeune médecin tchèque, tous deux rejoints rapidement par le fruit de leur amour Véra. Si le Printemps de Prague, le Sida, ainsi que les attentats du World Trade Center sont les principaux évènements historiques autour desquels les personnages vont graviter, ceux-ci évoluent, murissent, avec des espaces géographiques qui, eux aussi, ne cessent de se mouvoir en les accompagnant. Christophe Honoré dépeint alors des personnages qui s’immergent de manière complète et totale au sein de ces capitales et villes que sont Paris, Londres, New-York et Prague.
Les Bien-Aimés déroule son scénario sur une quarantaine d’années et, tout comme le cinéma n’a cessé d’exister durant cette période historique, Honoré puise sa force narrative et sa puissance filmique en l’ancrant au sein d’une filmographie propre au 7ème art. Les Bien-Aimés n’est certes pas un manifeste du Cinéma français depuis les années 60, mais se révèle être un hommage subtil et par touches à celui-ci. On y retrouve notamment la muse de Demy, Catherine Deneuve, ainsi que la Nouvelle Vague française par le biais de ses ambivalences romanesques qui flirtent avec la gravité des situations scénaristiques.
La reine du cinéma, Deneuve, et son personnage trouvent identité en compagnie de sa fille (Chiara Mastroianni) sous les traits de Véra. L’hommage à deux générations de cinéphiles qui se rencontrent dans le but de rassembler. Honoré se tourne à la fois vers le public des fervents amateurs du temps Deneuve / Forman ainsi qu’à celui plus actuel représenté par Mastroianni fille / Garrel. Ce sont deux duos de personnalités du 7ème art qui représentent avec force leur temps et leur époque sans jamais tomber dans le travers de la surexploitation de leur persona. Honoré cisèle avec précision son scénario en faisant s’épouser avec complémentarité les acteurs avec leur personnage.
Le film trouve aussi sa justesse dans le choix du réalisateur de mettre en scène une comédie musicale qui ne tombe jamais dans les travers que ce genre cinématographique peut entrainer avec lui. Le film d’Honoré cherche à s’éloigner des stéréotypes en arguant d’un long-métrage où les fioritures parfois intempestives que l’on peut retrouver au sein de certaines comédies musicales américaines, s’éteignent et s’effacent. Dans ce long-métrage musical, exit les numéros de danses chorégraphiés avec excès, les happy-end exagérés, les instruments de musique trop présents, car le naturalisme domine. Tout comme dans son précédent long métrage musical Les Chansons d’Amour, Les Bien-Aimés prend le parti de rendre compte de numéros musicaux presque naturalistes où la sensualité et la tendresse se font maitresses.
La bande originale, chantée par les acteurs et propre à l’artificialité du cinéma, se mêle au sein même du naturalisme convoité par le cinéaste, et ce avec une originalité et un réalisme déconcertant. L’atout majeur du film tient d’ailleurs dans l’identité même du film musical, soit sa bande originale pop où s’entrelacent interrogations, désillusions et amour déchu. L’âme finalisée et alors entière des protagonistes se trouve être composée par Alex Beaupain qui rend parfois compte de parenthèses enchanteresses. Deux mentions spéciales peuvent êtres distribuées, d’une part à la chanson unissant Deneuve et Mastroianni, Des filles légères, et d’autre part à Qui Aimes-tu ?, qui fait s’entremêler avec un émerveillement qui nous laissent ébahis et admiratifs les voix à la fois sensuelles et tendres de Mastroianni et Paul Schneider.
L’unique point faible des Bien-Aimés tient seulement dans le jeu du comédien Louis Garrel qui amorce parfois un sentiment de narcissisme exacerbé qui transparait très clairement dans le jeu parfois trop exagéré du comédien et dont il délivre toutes ces caractéristiques à son personnage. Si le protagoniste qu’il incarne se révèle antipathique, le spectateur s’interroge sur la nature de celui-ci. Est-ce le personnage de Clément qui est antipathique ou est-ce l’acteur qui l’incarne qui l’est lui même ?
Les Bien-Aimés semble être un titre de film bien trop fade pour révéler notre sentiment une fois celui-ci terminé, on ne fait pas que seulement bien les aimer ces Bien Aimés, on les adore tout simplement.