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LES ENFANTS DE LA MER

Ruka, jeune lycéenne, vit avec sa mère. Elle se consacre à sa passion, le handball. Hélas, elle se fait injustement exclure de son équipe le premier jour des vacances. Furieuse, elle décide de rendre visite à son père à l’aquarium où il travaille. Elle y rencontre Umi, qui semble avoir le don de communiquer avec les animaux marins. Ruka est fascinée. Un soir, des événements surnaturels se produisent.

Critique du film

Le premier jour des vacances, le parfum de l’année scolaire n’est pas encore tout à fait évanoui. L’intense activité de l’année laisse place au soleil et à une liberté déconcertante et aussi un peu angoissante. Les enfants de la mer d’Ayumu Watanabe commence sur une note très réaliste, presque terre à terre. Que fait-on l’été venu quand notre seule activité nous est interdite ? Ruka est passionnée de sport, mais son excès d’engagement dès la première heure, l’exclue du groupe. La faille qui s’ouvre pour elle est une entrée dans un monde qui élargit le champ des possibles et offre un lot de métaphores et trouvailles visuelles hors du commun. Dès lors, il n’est plus question de narrer une histoire classique entre camarades de classe, le cadre du récit explose complètement avec la rencontre des deux mystérieux garçons de la mer.

Au pays des merveilles

Umi et Sora semblent plus amphibiens que terrestres : élevés avec un banc d’animaux marins, ils ont besoin d’être immergés dans l’eau régulièrement sinon leur peau brûle littéralement. Ruka devient obsédée par ces deux jeunes frères, les suivant bientôt dans leurs errances maritimes. La porte ouverte vers cet autre monde pourrait être celui proposé à Alice par le lapin blanc chez Lewis Carroll. Si tout est différent, on reconnaît bientôt les problématiques de la vie réelle dans cet aperçu fantasmagorique. Les parents de Ruka sont séparés, elle fuit sa mère, dépressive, tout comme son père s’est réfugié dans son travail à l’aquarium municipal. Le lien est dès lors évident, le monde du silence est une échappatoire commune aux membres de cette famille brisée.

Mais les deux frères sont également le vecteur utilisé par l’auteur pour révéler un univers onirique magnifié par un graphisme audacieux et une animation très réussie, qui a tout de l’expérience chamanique. En cela, et dans son évolution dans le récit, on pense au Blueberry de Jan Kounen, film qui avait saisi l’opportunité d’explorer les perceptions de ses personnages, jusque dans la démesure.

Les enfants de la mer
L’animation est un moyen parfait pour donner vie aux visions aquatiques de Watanabe. Le ballet de couleurs orchestré avec la partition de Joe Hisaishi, musicien bien connu chez Hayao Miyazaki, peut paraître au premier abord confus, et pourtant son souvenir, toujours plus intense, vieillit à merveille avec le temps. Les enfants de la mer est un magnifique récit initiatique qui prend le parti de partir loin dans la métaphore pour raconter les difficultés de la vie d’une adolescente qui a du mal à trouver sa place dans le monde, souffrant de l’éclatement de sa famille.

Nourri par une belle galerie de personnages, chacun étant écrit avec beaucoup de soin et de qualité, le film transporte et charme par la beauté de sa poésie. L’auteur traite avec beaucoup de douceur Ruka, jeune fille seule et incomprise, qui n’a pas tous les égards qu’elle mériterait. Oubliés des siens, c’est dans la grâce de la mer nourricière que nous emmène cette très jolie histoire, qui, si elle est un peu longue, se renouvelle plutôt bien dans chacune de ses parties, convaincante jusque dans son dénouement. L’été, parenthèse engourdie du râle d’une année douloureuse, devient le moment qui ré-enchante la vie, révélant sa splendeur aux yeux de tous.


Disponible sur OCS dans le cadre du cycle Festival d’Annecy 2019


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