LES PRIÈRES DE DELPHINE
Les Prières de Delphine est le récit de l’arrivée d’une jeune camerounaise en Belgique. Peu à peu, au fil des confidences, se dessine le portrait implacable d’une génération de femmes sacrifiées, perdues dans le rêve d’un monde meilleur en Europe.
Critique du film
La réalisatrice Rosine Mbakam est née et a grandi au Cameroun. Elle est arrivée en Belgique en 2007, la même année que Delphine, avec qui elle a été mise en relation et avec qui s’est nouée une amitié. Plusieurs années ont passé et Delphine, mariée avec un homme trois plus âgé qu’elle et souvent révoltée, propose à son amie Rosine de réaliser un film documentaire sur elle. Elle lui raconte alors son histoire. Delphine a perdu très tôt sa mère, quand son père a fui ses responsabilités parentales. Après avoir subi un viol à 13 ans, la jeune femme tombe dans la prostitution puis finit par rencontrer son futur mari, un homme belge beaucoup plus âgé. Espérant trouver en Belgique la fin de ses souffrances et le début d’une vie meilleure, la jeune femme va vite déchanter.
Les Prières de Delphine est un témoignage puissant et touchant sur des thèmes bien spécifiques dans une première approche : la discrimination, la violence de certains hommes vis-à-vis des femmes, la prostitution ; mais des thèmes plus universels sont aussi traités : l’espoir et la déception de quitter un pays, une vie entière, avec tous les risques que cela implique. C’est un film sur la vie, sa complexité, sur le combat quotidien pour ne pas sombrer, ne pas mourir ou désespérer. Il faut continuer à vivre, ne pas craquer, garder la tête haute et affronter son destin, sa vie avec une incroyable dignité. Ce que Delphine réussit à faire, malgré ses souffrances. La jeune femme ne veut pas faire payer aux autres ce qu’elle a vécu de trahisons, d’épreuves. Elle tient à protéger sa famille.
Les prières que Delphine adresse à Dieu dans une scène qui fait culminer une authentique émotion ne sont nullement des supplications, mais la terrible expression d’une souffrance quasiment indicible. La jeune femme, lucide, courageuse et déterminée semble sur le chemin d’une sorte de libération, voire une sorte d’apaisement. Ce très beau portrait de femme se voit retranscrit sans misérabilisme, mais avec beaucoup de respect et d’intensité.
31 janvier 2024 – De Rosine Mfetgo Mbakam