LUCKY STRIKE
Critique du film
Le cinéma coréen se retrouve dans un paradoxe troublant : au sein des films distribués en France, il jouit d’une certaine notoriété. Les noms de Bong Joonho, Park Chanwook ou Kim Jiwoon sont des incontournables, issus d’une génération qui a su s’exporter à l’international et faire connaître le cinéma national de la Corée du Sud après la chute de la dictature militaire à la fin des années 1980. Pourtant, seule une poignée de films sort sur nos écrans chaque année, et bien souvent sur une combinaison de salles assez restreinte. Si l’on excepte le cas de Hong Sangsoo et son cinéma art et essai très pointu, on peut noter que les films coréens à l’affiche sont souvent issus du cinéma de genre en vogue. Le thriller fut ainsi mis à l’honneur dans les années 1990-2000, avant de laisser place à une vague plus fantastique horrifique, avec des films comme Dernier train pour Busan de Yeon Sangho.
Lucky Strike, premier film du réalisateur Kim Yonghoon, s’inscrit dans un autre registre, très à la mode depuis quelques années en Coréen du Sud, le film policier comique. On retrouve dans ce genre parmi les plus grands succès du box-office de la décennie, avec notamment Extreme Job de Lee Byoungheon, qui avait réuni plus de 16 millions de spectateurs dans les salles en 2018. Le principe est simple, une intrigue qui utilise les éléments du film policier ou de gangsters, sur un ton léger où l’auteur multiplie les punchlines et autres gags, servis par un casting où se détache un personnage haut en couleur, oscillant entre la résolution d’une intrigue plus ou moins complexe et la démonstration de son talent comique. Lucky strike est un bel exemple de ce genre populaire : à l’instar d’Extreme job, il choisit de s’appuyer sur beaucoup de personnages, chacun dévoilant une sous-intrigue qui a pour fondation un sac rempli d’argent convoité par chacun.
On retrouve beaucoup de points communs entre ce cinéma et celui d’un Guy Ritchie, multipliant les ruptures de tons pour faire accepter à l’écran un univers où le meurtre et les délits sont monnaie courante. Ainsi, le personnage joué par Jeon Doyon, grande actrice remarqué l’an passé dans Birthday de Lee Jongun, collectionne les coups bas et les assassinats pour réussir à s’en sortir, récolter le butin et disparaître dans la nature sous une nouvelle identité.
L’absence de morale de ce monde où tous les coups sont permis pour arriver à ses fins et une des caractéristiques majeures de ces comédies policières où la destruction et les règlements de compte sont des passages obligés dans la narration. Lucky strike se fait néanmoins remarquer par une certaine noirceur, ses personnages semblant tous destinés à terminer leur histoire tragiquement, sans qu’aucun happy ending ne soit possible. Ce dernier point lui permet de se distinguer et de surnager au-dessus de la moyenne des productions du genre.
Kim Yonghoon réussit pour son premier long-métrage à faire fonctionner l’alchimie de ses personnages, chaque pièce du puzzle réussissant à merveille à trouver sa place dans la peinture de l’histoire. S’il n’y a pas d’issue pour ces pauvres hères en quête d’argent et d’une porte de sortie dans leur vie trop difficile, Lucky strike garde une certaine légèreté malgré tout qui le rend sympathique et efficace. Il remplit bien son rôle de divertissement estival, ouvrant une nouvelle fenêtre sur un cinéma coréen qu’on espère plus présent en France dans les mois et les années à venir.
Bande-Annonce
8 juillet 2020 – De Kim Yonghoon, avec Jeon Doyeon, Jung Woosung, Bae Seongwoo …