MA FAMILLE AFGHANE
Critique du film
Adapté du roman Freshta de Petra Prochzkova, Ma Famille afghane (titre anglophone My Sunny Maad) raconte l’histoire émouvante de Herra, étudiante en économie à Prague, qui n’a pas connu son père et dont la mère s’est toujours désintéressée. Ne se sentant pas attiré par les hommes tchèques, Herra fait un jour la rencontre de Nazir, jeune homme afghan pour lequel elle éprouve un coup de foudre avant de quitter son pays pour Kaboul.
Devenue l’épouse de Nazir, dont la famille suit à la lettre le culture musulmane afghane, Herra passe sa nuit de noces avec son mari alors qu’elle n’est plus vierge. Nazir, découvrant cela, sauve les apparences – mais est-ce par amour pour Herra ou pour sauver son honneur et sa virilité, on ne saurait le dire. Vivement critiquée par les femmes de la famille de Nazir – sa belle-mère, sa belle-sœur – parce qu’elle ne sait pas cuisiner, ou ne tombe pas enceinte, Herra se retrouve confrontée à une culture qu’elle ne connaît pas et qu’elle ne comprend pas. Lorsque Nazir cherche désespérément du travail – il a une formation d‘économiste comme son épouse –, Herra le soutient. Nazir finit par trouver un emploi de chauffeur auprès de l’armée américaine. Quant à Herra, on lui présente bientôt un enfant, Maad, au physique disgracieux et on lui propose de l’adopter.
Nazir aime sa femme, mais le poids des traditions semble lui interdire de s’ouvrir totalement à un amour serein et épanouissant. Lorsqu’il lui offre un vêtement, car elle va travailler aussi – dans une clinique gynécologique, avec un médecin qui voudrait aider les femmes afghanes à s’émanciper – c’est un treillis informe et trop grand, afin qu’il puisse bien masquer son corps. Interrogée par ses futurs employeurs, l’épaoux parle à sa place lors de l’entretien, ce que ne manque pas de lui faire remarquer leur interlocutrice.
Ma Famille afghane illustre le choc des cultures et de certains interdits de l’Afghanistan talibane où règne une discrimination terrible envers les femmes, sans oublier de faire allusion, à travers le personnage du grand père par exemple, à ceux qui ont combattu les talibans, leurs excès et leurs crimes. Ce dernier, qui a perdu un fils et un petit fils dans cette guerre contre le fanatisme religieux, apprécie sa belle-fille malgré ses différences culturelles et se montre aimant et protecteur. Toute l’intelligence de ce film d’animation politique est d’éviter l’écueil de la caricature ou de la généralisation de tel ou tel travers culturel. Si les comportements sexistes et violents sont montrés sans ambage, il n’est pas question d’oublier une certaine forme d’espoir et de fraternité, comme avec cet aïeul ou ce personnage de médecin qui ne manque ni d’humour, ni d’humanité.
Il est question également d’amour ou d’idée de l’amour, dans tous les sens du terme, dans toutes les acceptions. Qu’il s’agisse de l’amour qui s’oublie au point de ne plus se respecter, ou de ne plus respecter totalement l’autre, ou de l’amour inconditionnel, comme celui qu’on porte à un enfant qui n’est pas le sien, qui est loin d’être aimable ou facile à vivre, mais que le destin a mis sur notre route et qui peut nous entrainer à prendre d’étonnantes décisions qui feront basculer notre destin.
Cette chronique sensible d’une femme partie par amour loin de son pays et de sa culture, au risque de tout perdre, et peut-être même de se perdre elle-même, touchera les adultes mais aussi les enfants à partir de 10 ans. Une œuvre jamais mièvre, mais au contraire profonde et dont la fin ne peut qu’émouvoir.
Bande-annonce
27 avril 2022 – De Michaela Pavlatova
Prix du jury au Festival d’Annecy 2021 / Les Arcs 2021