MA MÈRE, DIEU ET SYLVIE VARTAN
En 1963, Esther met au monde Roland, petit dernier d’une famille nombreuse. Roland naît avec un pied-bot qui l’empêche de se tenir debout. Contre l’avis de tous, elle promet à son fils qu’il marchera comme les autres et qu’il aura une vie fabuleuse. Dès lors, Esther n’aura de cesse de tout mettre en œuvre pour tenir cette promesse. À travers des décennies d’épreuves et de miracles de la vie, ce film est le récit d’une histoire vraie, drôle et bouleversante, celle d’un destin incroyable et du plus grand amour qui soit : celui d’une mère pour son enfant.
Critique du film
On peut goûter la comédie populaire déployée dans une première partie vive et colorée, difficile en revanche de sauver la seconde partie ennuyeuse et maladivement sentimentale.
C’est rare de voir un film à ce point coupé en deux. Comme quoi, l’art délicat de l’ellipse, quand il est mal maîtrisé, peut être destructeur. En adaptant le récit autobiographique de Roland Pérez, avocat devenu animateur de radio, Ken Scott (Starbuck) semble s’être beaucoup amusé à reconstituer les années 60 avant de s’absenter et d’abandonner le film à une histoire qui ne le concernait plus. Cette histoire, c’est celle d’un enfant né handicapé par un pied-bot. La disgrâce prend la forme d’une comédie, dont la mère est le centre, et son déni le moteur comique. Toujours au bord de la caricature, Scott prend son modèle dans la comédie italienne. Le trait est volontairement grossi, c’est précisément dans l’exagération que le film tient le réalisme à distance. Voix-off, couleurs vives, décors et costumes acidulés, rythme et musique, tout concourt à restituer la petite tragédie familiale avec tendresse et brio.
Mon fils, ma bataille
À ce petit jeu là, Leila Bekhti emporte le morceau en campant cette mère envahissante, convaincue que son fils entrera à l’école sur ses deux jambes. Toute en exagération et générosité, elle embrasse son personnage et les situations avec la gourmandise d’une Sofia Loren. Les scènes familiales dans le petit appartement délicieusement vintage sont particulièrement réussie. Sur ces quelques mètres carrés comme sur l’ensemble de la famille, Esther règne en maîtresse absolue, investie d’une mission quasi divine. La guérison de Roland, finalement remise entre les mains d’une guérisseuse, le contraint à garder un lit équipé d’un dispositif relevant du savant fou et de la torture douce. C’est là, dans le salon transformé en chambre de douleur, au grand dam du père qui ne peut plus recevoir ses amis, que Roland passe ses journées devant le poste de télévision et développe une passion pour Sylvie Vartan. Sa vie n’est plus rythmée que par ses progrès moteurs et par celle de la chanteuse restituée sur le petit écran.
Paradoxalement, c’est une fois que Serge est remis sur pieds que le film claudique et finit par tomber dans un ennui ultra conventionnel. La seconde partie abandonne toute ambition esthétique, plongée dans un présent qui n’est ni l’époque actuelle ni vraiment autre. C’est Jonathan Cohen, voix-off de la première période, qui reprend le rôle de Serge adulte pendant que Leila Bekhti disparaît sous une tonne de maquillage vieillissant. Dépourvue de toute distanciation, la dramaturgie tourne alors au pathos, entre émancipation crispée puis hommage plein de remords. L’épouse de Serge traverse le film comme une ombre, et Sylvie Vartan, la vraie, comme un fantôme.
Le cinéma c’est comme une cigarette, inutile de tirer dessus quand la feu est éteint.