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MARCHER SUR L’EAU

 

Marcher sur l’eau a été tourné dans le nord du Niger entre 2018 et 2020 et raconte l’histoire du village de Tatiste, victime du réchauffement climatique, qui se bat pour avoir accès à l’eau par la construction d’un forage. Chaque jour, Houlaye quatorze ans, comme d’autres jeunes filles, marche des kilomètres pour aller puiser l’eau, essentielle à la vie du village. Cette tâche quotidienne les empêche, entre autres, d’être assidues à l’école. L’absence d’eau pousse également les adultes à quitter leur famille chaque année pour aller chercher au-delà des frontières les ressources nécessaires à leur survie. Pourtant, cette région recouvre dans son sous-sol un lac aquifère de plusieurs milliers de kilomètres carrés. Sous l’impulsion des habitants et par l’action de l’ONG Amman Imman un forage apporterait l’eau tant convoitée au centre du village et offrirait à tous une vie meilleure.

Critique du film

De père malien et de mère sénégalaise, habitée par des souvenirs d’enfance, la comédienne Aïssa Maïga raconte avec Marcher sur l’eau le problème de la raréfaction de l’eau, lié aux saisons des pluies dans cette région et au réchauffement climatique,  mais aussi le manque que l’on ressent vis-à-vis de sa famille quand on est obligé de partir, comme c’est le cas de ces femmes africaines qui laissent leurs enfants pour aller chercher de l’eau, ou de l’aide. 

Le réchauffement climatique a profondément aggravé la situation du Niger et des pays environnants. La saison des pluies ne s’étend plus que sur deux mois au maximum, les marigots se sont asséchés et, par conséquent, la faune et la flore ont subi une mutation dramatique. Girafes, chacals et lièvres ont disparu, tout comme une partie de la végétation. L’eau ne se trouve que dans les puits et à une profondeur qui la rend très difficilement accessible. Seul un forage pourrait permettre au village où vit Houlaye de bénéficier de cette denrée essentielle devenue rare (sans avoir à s’épuiser quotidiennement ou se priver de l’éducation qu’elle mérite) et dispenserait certains villageois de ces sacrifices et voyages périlleux qu’ils doivent entreprendre. Marcher sur l’eau met aussi en lumière ces meurtres de paysans liés à leur bétail ou ces femmes agressées lorsqu’elles s’éloignent. 

La vie scolaire d’Houlaye rythme le film. On y découvre un instituteur qui apprend à ses élèves le rôle des pays industrialisés dans la destruction du climat et de l’écologie. Les enfants ont conscience que, sur d’autres continents, les jeunes du même âge connaissent moins de difficultés par rapport aux besoins essentiels (nourriture, eau, instruction,…) et peuvent avoir des moments d’insouciance.  

Marcher sur l'eau

Formellement très réussi, grâce à la partition d’Uèle Lamore qui accompagne idéalement les images du film, aux prises de vues et à une utilisation intelligente du cinémascope, Marcher sur l’eau profite également du travail remarquable du chef opérateur Rousslan Dion qui magnifie les couleurs de l’Afrique, qu’il s‘agisse de paysages ou de tissus. Les mouvements de caméra restituent à merveille la beauté du pays, malgré ses souffrances et ses blessures. 

Artiste engagée, Aïssa Maïga a souhaité donner la parole – avant tout – aux femmes, dont l’abnégation et le courage traversent le film, sans aucune ostentation, mais avec une dignité et une détermination sans failles. Elle montre Houlaye, sa tante et sa mère, mais aussi toutes ces villageoises cherchant à changer les choses et à contrecarrer une forme de malédiction qui semble les poursuivre. Si le film est souvent joyeux, plein de vie, il comporte ses moments émouvants, voire poignants, liés à la séparation et à la frustration de devoir rester et de ne pas pouvoir faire plus – mais aussi de ne pas découvrir d’autres horizons – sans qu’aucun auto-apitoiement ne vienne s’immiscer. 

Oscillant entre fiction et documentaire pur, ce long-métrage réalisé en cinq périodes de tournage, réparties sur un an, mêle habilement les genres. Film nécessaire qui plaira à un large public de tous âges, Marcher sur l’eau comporte une dimension pédagogique ni ronflante ni moralisatrice. L’émotion est bien présente avec une empathie réelle, respectueuse et jamais condescendante, et son aspect instructif n’empêche pas ce long-métrage de s’imposer comme un très beau moment de cinéma.

Bande-annonce

10 novembre 2021De Aïssa Maïga


Festival de Cannes 2021

Les sommes associées aux prix que le film a reçus seront versées au village de Tatiste au Niger, où a été tourné le film, ainsi qu’à d’autres initiatives locales en faveur de la lutte pour le climat.