MARY ET LA FLEUR DE LA SORCIÈRE
C’est l’été. Mary vient d’emménager chez sa grand-tante dans le village de Manoir Rouge. Dans la forêt voisine, elle découvre une fleur mystérieuse qui ne fleurit qu’une fois tous les 7 ans. On l’appelle la « fleur de la sorcière ». Pour une nuit seulement, grâce à la fleur, Mary possèdera des pouvoirs magiques et pourra entrer à Endor, l’école la plus renommée dans le monde de la magie, qui s’élève au-dessus du ciel, au-delà des nuages. Le secret de la fleur de la sorcière se révèlera à elle petit à petit…
Le double jeu de la magie
Mary et la Fleur de la sorcière, second long-métrage de Hiromasa Yonebayashi, tend vers deux univers pour un curieux mélange entre Harry Potter et Le Château ambulant. Au premier, le film d‘animation emprunte l’univers magique. La fantasque académie Endor, où échoue Mary par inadvertance, a bien des points communs avec Poudlard : automates, cours détonants, campus de l’étrange… Mais Endor inquiète, là où Poudlard fascine. Personne ne songe entrer dans une école où la fontaine prend l’apparence de la directrice, où les élèves portent des masques qui ressemblent aux tests de Rorsach, et où le professeur de chimie mène des expériences plus que louches.
C’est le caractère dérangeant de cette magie académique qui rapproche Mary et la Fleur de la sorcière du Château ambulant. Comme Miyazaki, Yonebayashi se livre à une critique du Progrès. Si, dans l’esthétique steampunk de Miyazaki, c’est le volet technologique du Progrès qui en prend pour son grade, chez Yonebayashi, c’est le Progrès magique. Dans les deux cas, la marche inéluctable vers un Progrès mythique conduit à la déshumanisation. Déshumanisation qui prend des formes similaires dans Le Château ambulant et Mary : la séquence d’ouverture de ce dernier, brutale et effroyable, met en scène des créatures volantes difformes et des liquides flasques similaires aux monstres qu’affronte Hauru dans Le Château ambulant.
Excepté que le personnage est désormais féminin. Et d’une féminité réelle, qui tranche avec l’idéalisme des personnages de Miyazaki. Car malgré tout le féminisme du maître, les femmes qu’il dessine appartiennent à un univers mythique, une sphère éthérée, où des problèmes concrets que peut rencontrer une jeune fille n’existent pas. Nausicaä (Nausicaä de la vallée du vent), San (Princesse Mononoké) et Chihiro (Le Voyage de Chihiro) sont superbes, mais elles n’ont jamais à souffrir de la couleur de leurs cheveux comme la rousse Mary.
Avec une grande pudeur, Yonebayashi affronte deux conceptions de l’émancipation féminine. D’un côté, l’émancipation universaliste, dans laquelle la femme libère l’ensemble de l’humanité : c’est Mary qui doit délivrer les créatures emprisonnées par l’académie. De l’autre, l’émancipation concrète : Mary qui apprend à aimer ces cheveux qu’elle haïssait.
Entre les deux, Mary et la fleur de la sorcière ne tranche pas. Les deux voies d’émancipation restent, comme la flottante académie, suspendues. Une autre manière de dire que l’une ne va pas sans l’autre, et qu’aussi belle soit la magie, elle n’a pas à remplacer la vie réelle.
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