MEAN STREETS
New York, New York
New York vu par le monde de la petite mafia italienne, dans les années 70 : Charlie (Harvey Keitel) est un jeune membre sérieux qui rêve de gravir les échelons au sein du groupe. Mais ses fréquentations qui ne sont pas des plus recommandables semblent l’en empêcher. Un de ses amis, Johnny Boy (Robert de Niro), impulsif et peu digne de confiance, ne cesse d’emprunter de l’argent à des membres de la mafia dont un parrain (Richard Romanus), sans payer ses dettes. Le quotidien devient alors de plus en plus compliqué pour Charlie qui s’était engagé auprès de la communauté de rendre compte des actions de Johnny Boy…
De tous les films du réalisateur, Mean Streets est probablement un de ceux qui dispose le plus d’un ADN typiquement scorsesien avec le triptyque suivant : les petites embrouilles dans le grand monde de la mafia, les relations conflictuelles avec la famille et les amis, et le rapport omniprésent à Dieu. Thèmes de prédilection souvent retrouvés dans ses autres œuvres (Casino et Les Affranchis pour la mafia, La dernière tentation du Christ et Silence pour la religion pour ne citer qu’eux), Scorsese s’inspire de son propre univers, lui qui a un jour souhaité devenir prêtre avant de se plonger dans la réalisation, et ce sont probablement ces raisons qui rendent le film honnête et sans prétention. La relation entre les deux personnages de Charlie et Johnny Boy est d’ailleurs le reflet de celle que Scorsese a entretenu avec son frère, plus turbulent qui causait du souci à sa famille.
Tout au long du film, la tension monte progressivement pour le personnage de Charlie qui reste confronté à plusieurs problèmes qu’il tente d’éviter au mieux : il ne parvient pas à faire tenir ses promesses à son ami Johnny Boy dont il commence à fréquenter secrètement sa cousine (Amy Robinson) parfois sujette à des crises d’épilepsie. Il en pince également pour la danseuse du bar qu’il fréquente très souvent, mais se heurte au racisme et décide de ne pas s’aventurer avec elle, lui étant d’un milieu d’immigrés italiens, elle afro-américaine. Au fur et à mesure du film, le spectateur comprend sans peine par une tension distillée très légèrement que l’issue des protagonistes ne sera pas heureuse.
Du côté de la distribution , Mean Streets rassemble des comédiens doués habitués du réalisateur qui s’amusent clairement. Ils sont aidés par une virtuosité de la caméra, visible notamment à travers les passages de prière de Charlie à l’église et les diverses scènes de bagarre et d’un sens de la narration qui n’est déjà plus à prouver chez Scorsese. Il parvient à filmer avec réalisme et brio la vie ordinaire de gens qui le sont également mais qui aspirent à plus, sans provoquer l’ennui. Le film est par ailleurs agrémenté d’une bande-son plutôt savoureuse : Derek and The Dominos, les Stones, The Ronettes…. La musique sert ainsi parfaitement certains passages : on pense surtout à la superbe séquence -probablement la plus emblématique du film- au ralenti dans le club que fréquente les protagonistes, où le personnage de Johnny Boy rentre avec deux femmes sur le morceau Jumpin’ Jack Flash des Stones. Egayé par des petits easter eggs comme la mère de Scorsese elle-même, Catherine, dans le rôle d’une voisine d’immeuble, les amateurs du Super 8 seront par ailleurs ravis du générique d’ouverture filmé avec cette caméra.
Un film indispensable à tous les amoureux du réalisateur et du cinéma dans sa globalité.