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MEGALOPOLIS

Megalopolis est une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité.

Critique du film

Vive émotion que celle de découvrir l’aboutissement d’un projet cinématographique de longue haleine, qui plus est quand celui-ci est porté depuis plusieurs décennies par un vétéran du cinéma. Film maudit, plusieurs fois annoncé puis abandonné par son réalisateur Francis Ford Coppola, Megalopolis fait partie de ces œuvres qui relevaient du pur fantasme cinéphile il y a encore quelques années. Au fil du temps, le cinéaste du Parrain et d’Apocalypse Now aura dû faire face à la frilosité des studios hollywoodiens ou au contexte géopolitique ultra-sensible de l’époque (les attentats du 11 septembre 2001) l’empêchant de mener à bien sa vision. Une vingtaine d’années plus tard, le film est désormais achevé et son réalisateur en lice pour briguer une troisième Palme d’Or. De quoi nourrir un mélange d’excitation et d’appréhension face à cette folle proposition de cinéma que l’on attendait plus.

D’entrée de jeu, il faut bien reconnaître une chose :   l’orgie de cinéma promise par les quelques images dévoilées jusqu’ici a bien lieu dans Megalopolis. Les séquences les plus folles s’enchaînent pendant plus de deux heures, dans un flot ininterrompu d’idées visuelles et sonores. Cela rend l’expérience de spectateur parfois galvanisante, parfois éreintante. Ce projet de cœur écrit, réalisé et auto-produit par Coppola lui-même ne pourrait porter meilleur titre. Sans surmoi pour le canaliser (comprendre un.e producteur.rice), le réalisateur se permet toutes les fantaisies qui lui passent par l’esprit, part dans tous les sens, quitte à perdre le fil de sa narration en cours de route.

Pourtant, à y regarder de plus près, la trame de fond de Megalopolis demeure on ne peut plus classique. L’intrigue se déroule dans une métropole imaginaire du XXIème siècle, New Rome, qui combinerait l’esthétique architecturale new yorkaise avec une certaine idée du mode de vie de la Rome antique. Ceasar Catilina, jeune architecte ambitieux, rêve de reconstruire la ville sur le modèle d’une utopie, et ce grâce à une matière révolutionnaire qu’il a lui-même découverte, le megadon. Mais il doit faire face au maire conservateur de la ville, prêt à tout pour l’empêcher de réaliser ses travaux, ainsi qu’à la jalousie qu’il attise, notamment dans son entourage proche.

Megalopolis

Coppola envisage son film comme une sorte de péplum futuriste, entre intrigues politiques et amoureuses dans le monde des puissants et ultra-riches. Il ne renie pas non plus l’aspect ‘’opéra bouffon’’ d’une telle histoire et compose une galerie de personnages / archétypes assez méprisables, tous plus pathétiques les uns que les autres. Un choix totalement kamikaze pour une production de cette ampleur (rappelons que le budget du film est de 120 millions de dollars). La plupart des spectateurs auront du mal à s’identifier à des figures hors sol, qui se lancent en permanence dans de grandes diatribes sur la vie et le temps, citant à loisir Rousseau ou Marc Aurèle pour débattre sur le projet de reconstruction de la ville.

Alors qu’en est-il des réflexions sur le futur et la manière dont l’humanité envisage de le construire ? Pendant la majeure partie du long-métrage, tout porte à croire que le cinéaste pose un regard inquiet et désabusé sur ses contemporains ou du moins, formule une véritable critique des élites au pouvoir, peu importe le camp dans lequel elles se trouvent. Car si le projet d’urbanisme de Ceasar paraît idyllique sur le papier, la réalité semble nettement plus contrastée, l’architecte n’hésitant pas à déloger certains citoyens pour concrétiser ses lubies. Voilà pourquoi l’optimisme affichée dans la conclusion du film, qui plus est précipitée, apparaît quelque peu difficile à avaler. À moins qu’il ne s’agisse d’un ultime geste cynique de la part du réalisateur ? 

Megalopolis suscitera forcément de nombreux débats et réactions contradictoires, parfois auprès d’un seul et même spectateur (c’est le cas de l’auteur de ces lignes). Une seule certitude, il faudra compter sur plusieurs visionnages du film pour l’apprivoiser et en saisir la complexité. Et s’il ne s’agit pas du chef d’œuvre ultime de son auteur, force est de constater que rien ne trouve d’équivalent à cette échelle dans le cinéma contemporain. Un exploit dont peu de réalisateurs peuvent se targuer, après plus de  60 ans de carrière !

Bande-annonce