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MEMOIR OF A SNAIL

À la mort de son père, Grace Pudel est arrachée à son frère jumeau Gilbert. La collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture atterrit dans une famille d’accueil de l’autre côté de l’Australie. Suspendue aux lettres de son frère, ignorée par ses tuteurs et harcelée par ses camarades de classe, elle s’enfonce dans le désespoir. Jusqu’à sa rencontre salvatrice avec Pinky, une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à sortir de sa coquille…

Critique du film

Ma vie de Courgette, Fantastic Mr. Fox… Nombreux sont les films d’animation en stop-motion qui ont fait de la nécessité de trouver l’amour dans les moments difficiles le cœur de leur propos. C’est déjà ce que faisait Adam Elliot en 2009 avec une magnifique relation épistolaire dans Mary and Max. « La vie ne peut être comprise qu’en regardant en arrière, mais elle doit être vécue en avançant. » Memoir of a Snail raconte l’histoire de Grace, jeune kleptomane fan d’escargots, qui se souvient de toute son existence, y compris de sa condition de foetus au côté de son frère jumeau Gilbert. Elle se souvient de la mort de son père alcoolique, un ancien magicien qui lui apportait tout l’amour dont elle avait besoin pour survivre dans des conditions de vie très précaires. Elle se souvient surtout de sa séparation forcée avec Gilbert, une fois les deux enfants orphelins. Assise sur un banc, elle raconte à son escargot les moments qui ont marqué ses quelques années de vie. Mais elle ne se souvient pas encore de la fin de cette vie qu’elle n’a pas encore vécue. Un avenir hors de portée qu’elle se persuade de ne pas maîtriser, et qu’elle imagine être aussi sombre que le décor macabre au milieu duquel elle raconte cette histoire.

Uniquement constitué de pâte à modeler et animé en stop-motion, sans aucun ajout numérique en post-production, l’œuvre d’Adam Elliott se dote d’une beauté plastique indéniable. Son esthétique irréaliste permet au cinéaste de se permettre toutes les horreurs du monde sans (trop) choquer son spectateur. Les corps sont maltraités (des doigts tordus, des membres coupés, d’autres brûlés) comme pour exorciser la brutalité de la population. Sa narration visuelle, des décors post-apocalyptiques illustrant la dépression de sa protagoniste aux moindres détails — souvent hilarants — inscrits sur des plaques d’immatriculation ou des enseignes de magasin, rendent ce petit monde particulièrement vivant, presque aussi palpable que la pâte à modeler qui l’anime. Le talent de narratrice de Sarah Snook (Succession), qui prête sa voix à Grace, finit d’ancrer ce monde chimérique dans une réalité pas si lointaine. Mais ces drames, qu’ils soient psychologiques ou physiques, sont régulièrement tournés en dérision pour éviter au long-métrage d’être trop tire-larmes — même si sa conclusion, lente et indécise, frôle cet écueil.

memoir of a snail

Comment vivre lorsque la vie s’évertue à nous mettre des bâtons dans les roues ? Comment sortir de sa coquille alors que tout nous pousse à nous renfermer sur nous-mêmes ? C’est la géniale Pinky, grand-mère excentrique, qui se charge de répondre à ses questions pour Grace… et pour nous. Point fort du long-métrage, l’arrivée de ce personnage rebat les cartes de la vie dépressive de la protagoniste pour faire du cauchemar une ironie permanente. Après sa famille d’accueil échangiste et fan de beige, Grace voit en Pinky la possibilité d’un avenir meilleur.

Memoir of a Snail offre un rappel que les sacrifices vécus permettent d’avancer dans la bonne direction. Adam Elliot a un sens du rythme étonnant, prenant régulièrement le contrepied des attentes. C’est par exemple en plein deuil, alors que les larmes sont difficiles à retenir, que la blague la plus drôle du film intervient : a-t-on déjà utilisé le mot « testicule » de manière aussi percutante ? Grâce à un parfait équilibre entre son humour doux-amer et ses instants mélancoliques, le cinéaste signe une leçon de vie percutante. Un rappel que le pire n’est certes jamais loin, mais surtout que le meilleur ne dépend que de notre capacité à se relever. Et qui de mieux qu’une octogénaire aux mille vies pour nous le rappeler ? Malgré son récit du passé, Memoir of a Snail porte un précieux message tourné vers l’avenir qui, contrairement à ce que Grace croyait au début du film, est bel et bien contrôlable.

Bande-annonce

D’Adam Elliot, avec les voix de Jacki WeaverEric BanaSarah Snook


Annecy 2024 – Cristal du long-métrage


Remerciements : Forum des images (D-O)