MICKEY 17
Héros malgré lui, Mickey Barnes se tue à la tâche… littéralement ! Car c’est ce qu’exige de lui son entreprise : mourir régulièrement pour gagner sa vie.
Critique du film
Six ans après le triomphe public et critique de Parasite, considéré comme l’un des films d’auteurs les plus populaires de ses dernières années, le retour de Bong Joon-ho se faisait très sérieusement attendre – depuis l’hiver 2022 en fait, lorsque nous nous demandions ce que le réalisateur sud-coréen allait faire avec les moyens données par la Warner. Une attente peut-être disproportionnée qui pouvait facilement déboucher sur une déception, si le film ne frappait pas aussi fort que son précédent. Mickey 17 n’est pas Parasite et ce n’est pas un problème. Ce qui en est un, c’est d’assister à l’aseptisation totale de son auteur.
En adaptant le roman Mickey 7 d’Edward Ashton, le cinéaste embarque Robert Pattinson en pleine satire cosmique. On suit l’histoire de Mickey Barnes (doublement incarné par le comédien), jeune homme en pleine galère financière, qui va devoir échapper à la pègre suite au plan foireux d’un ami louche (Steven Yeun). Pour fuir ses problèmes, il accepte une mission consistant à faire les tâches les plus ingrates et dangereuses au sein d’une colonie spatiale, menée par un leader politique vulgaire (Mark Ruffalo). La particularité de ce travail ? À chaque fois que Mickey meurt lors d’un travail, un clone de l’individu est réimprimé avec toute sa mémoire retranscrite.
Par ce concept, notre héros pouvant être répliqué indéfiniment, chacune de ses réimpressions le présente sous un jour nouveau. Plus joyeuse et naïve d’un côté, trop sombre et agressive de l’autre. Un éventail de personnalités à l’image de la filmographie de Bong Joon-ho, cinéaste capable de mélanger habilement les genres en nous faisant passer du rire à l’effroi, jusqu’aux larmes même. Cette promesse, offerte par le postulat, laissait espérer une satire burlesque et violente du monde du travail, avec un acteur pouvant s’en donner à coeur joie dans les interprétations.
Malheureusement, sans savoir si cela est dû à l’influence du studio ou tout simplement à Bong Joon-ho lui-même, tout paraît cruellement lisse dans cette satire paresseuse. Dès la première partie, plombée par la voix-off de Pattinson qui surexplique tout ce que nous voyons à l’écran, on perd immédiatement de cette réflexivité si stimulante à laquelle nous avait habitués le cinéaste. Tout semble pré-mâché, sans véritable envie de nous embarquer et certaines pistes plus audacieuses, notamment lorsqu’il est question de triangle amoureux, sont balayées d’un revers de la main et servent juste de punchlines. Il suffit de voir une quatrième fois Mark Ruffalo s’exprimer vulgairement pour comprendre que la caricature de l’ère Donald Trump n’ira pas plus loin que la surface et ne s’attardera pas vraiment sur les conséquences de sa politique extrêmement violente – et tenter de montrer cela par le biais de créatures rend surtout cela infantilisant à l’écran.
Mickey 17 rejoint les échecs d’autres satires sorties ces derniers mois, à l’instar de The Apprentice, plus frontale, ou même de Megalopolis : le film refuse de regarder le monde qui subit, le renvoyant à l’arrière-plan (une scène flagrante avec des fanatiques du leader populiste en est une preuve) ou aux oubliettes. Au final, on oublie très rapidement la noirceur des conditions de travail auxquels fait face Mickey tant le film préfère se complaire dans cet enrobage de science-fiction high-concept, qu’il ne parvient même pas à rendre palpitant à l’écran. Espérons maintenant que la prochaine réimpression de Bong Joon-ho retrouvera la pertinence de l’ensemble de son œuvre.