killing of a sacred deer

MISE À MORT DU CERF SACRÉ

Ambivalent

Steven, brillant chirurgien, est marié à Anna, ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim, 14 ans et Bob, 12 ans. Depuis quelques temps, Steven a pris sous son aile Martin, un jeune garçon qui a perdu son père. Mais ce dernier s’immisce progressivement au sein de la famille et devient de plus en plus menaçant, jusqu’à conduire Steven à un impensable sacrifice.

Biches empoisonnées.

Depuis ses premiers films, Yorgos Lanthimos cultive un cinéma sur la corde raide, perché au-dessus de l’absurde et du burlesque, du drame et du malaise. Reconnu comme un auteur atypique grâce à un style singulièrement dérangeant, il est devenu adepte d’une bizarrerie de tous les instants, capable d’alterner le réjouissant et le glauque au sein d’un même plan. Trois films (ses plus récents) lui ont suffi pour poser les jalons de cet univers douloureusement sarcastique où ses personnages s’affrontent dans des prisons tangibles ou métaphoriques, condamnés par un système (Alps), une société (The Lobster) ou un entourage (Canine) castrateurs. Dans la directe lignée de ses prédécesseurs, Mise à mort du cerf sacré reprend cette thématique-clé en sondant la dislocation d’une famille infiltrée par un adolescent perturbé.

Retrouvant l’impeccable Colin Farrell (son futur acteur fétiche ?) deux ans après The Lobster (prix du jury à Cannes), le réalisateur a, cette fois, essuyé un accueil plus mitigé sur la Croisette où le film a clairement divisé. Difficile, en effet, de se prononcer et de trancher radicalement à la sortie d’un film intrigant où le cynisme semble avoir tout ravagé, y compris la drôlerie intrinsèque de ses essais passés. Si la perplexité prédomine après une séance entre enthousiasme et dégoût, le long-métrage parvient à s’incruster dans les esprits avec une facilité déconcertante. Quelques heures plus tard, il ne s’est pas évaporé des conversations en restant bel et bien présent dans de passionnants et houleux débats.

Il faut dire que Yorgos Lanthimos utilise ici une mise en scène particulièrement pompeuse à base de grands angles et de travellings renvoyant inévitablement à Stanley Kubrick. L’ajout d’une musique classique envahissante donne alors la désagréable impression que l’auteur se prend désormais très au sérieux, délesté de son sens du décalage habituel. Il n’a pourtant rien perdu de son habileté à dépeindre une humanité au bord de la reddition en l’enfermant dans d’immenses espaces où les protagonistes n’ont jamais été aussi isolés, aussi loin les uns des autres. Formellement admirable, narrativement percutant, Mise à mort du cerf sacré paraît tenir tout autant de la brillante tragédie grecque contemporaine (au scénario délicieusement troublant) que du simple thriller psychologique confondant la maîtrise et l’épate. Une association schizophrène faisant la marque des grands films ?

La fiche

MISE À MORT DU CERF SACRÉ
Réalisé par Yorgos Lanthimos
Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Alicia Silverstone…
Grèce, Grande-Bretagne – Drame, thriller, fantastique
Sortie (version restaurée) : 1er novembre 2017
Durée : 121
 min




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