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MONSIEUR AZNAVOUR

Fils de réfugiés, petit, pauvre, à la voix voilée, on disait de lui qu’il n’avait rien pour réussir. À force de travail, de persévérance et d’une volonté hors norme, Charles Aznavour est devenu un monument de la chanson, et un symbole de la culture française. Avec près de 1200 titres interprétés dans le monde entier et dans toutes les langues, il a inspiré des générations entières. 

Critique du film

Troisième film co-réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir après Patients et La vie scolaire, Monsieur Aznavour retrace une partie de la vie d’un des plus grands chanteurs français, de son enfance jusqu’à son ascension dans les années 1950. Si on peut craindre au départ une vision carte postale ou image d’Epinal, on se laisse très vite emporter par la beauté des images, l’immense talent de cet acteur magnifique qu’est Tahar Rahim, une réalisation efficace et sobre et, bien sûr, ce destin hors du commun.  

S’il est vrai qu’il est toujours compliqué de représenter à l’écran une personnalité aussi médiatique et décédée il y a peu – 2018 -, que les pièges sont multiples tant pour le réalisateur – tomber dans l’hommage compassé ou l’hagiographie – que pour l’interprète qui doit incarner cette célébrité sans tomber dans l’imitation, il faut signaler la franche réussite de ce film. Concernant l’aspect écriture et mise en scène, Monsieur Aznavour fait de son héros un véritable personnage de cinéma, complexe, à la personnalité contrastée et met bien en avant les contradictions de l’artiste et son côté tourmenté.

Né dans une famille pauvre mais très unie et heureuse, l’homme semble incapable de ne pas sacrifier sa vie de famille à l’ambition dévorante qui le tenaille et va lui faire gravir les échelons de la renommée internationale et du succès planétaire.  Il le dit lui-même : il est prêt à tout négliger pour réussir. Tour à tour séducteur, négociateur féroce et rusé, travailleur stakhanoviste – il consacrait jusqu’à dix-sept heures par jour à son métier -, mais aussi père de famille et époux désemparé quand il doit affronter le quotidien ou exprimer ses sentiments, ou provoquant des ruptures qui pourraient freiner sa carrière. 

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Quant à la performance de Tahar Rahim, elle est tout simplement incroyable et troublante. S’il est vrai que le mimétisme est bien là, il n’est pas le seul atout de cet acteur magnifique et qui nous livre un chanteur tour à tour irrésistible avec les femmes, intraitable en affaires ou poignant face aux drames de la vie. Tahar Rahim interprète lui-même certaines des chansons de Charles Aznavour et il faut attendre le générique de fin pour avoir la certitude pour chacun de ces passages si c’est la version Aznavour ou Rahim qu’on a entendue. Une vraie performance d’acteur mémorable. 

Autour de Tahar Rahim, on trouve Bastien Bouillon en Pierre Roche, artiste qui formait un duo vocal avec Charles Aznavour. L’acteur offre une interprétation pleine de finesse et de malice. Edith Piaf, qui joua un rôle important dans la carrière d’Aznavour est jouée par Marie-Julie Baup, qui restitue toute la dualité de l’artiste : généreuse et aimant faire la fête, mais très dure en affaires et avec un franc-parler parfois brutal, forte en apparence mais avec une vulnérabilité bien réelle quand l’amour ou l’amitié se trouve mis à mal. Camille Moutawakil offre quant à elle une Aîda Aznavour très émouvante. 

Monsieur Aznavour offre donc un très beau récit axé essentiellement sur la carrière de chanteur de Charles Aznavour – hormis une allusion au tournage de Tirez sur le pianiste de François Truffaut, on ne parle pas de la soixantaine de films tournés. Mais on y trouve des images d’archives concernant le génocide et l’exode arméniens. Ce portrait contrasté d’un homme complexe, tourmenté, obsessionnel tout en sachant jouir de la vie, constitue donc l’un des atouts majeurs de ce film sensible et certainement honnête quant à la personnalité de Charles Aznavour. Il dévoile les aspérités d’une personnalité hors-norme, à la ténacité et à la pugnacité exceptionnelles. 

Bande-annonce

23 octobre 2024De Grand Corps MaladeMehdi Idir, avec Tahar RahimBastien Bouillon