MORSE
Oskar est un adolescent fragile et marginal, totalement livré à lui-même et martyrisé par les garçons de sa classe. Pour tromper son ennui, il se réfugie au fond de la cour enneigée de son immeuble, et imagine des scènes de vengeance. Quand Eli s’installe avec son père sur le même pallier que lui, Oskar trouve enfin quelqu’un avec qui se lier d’amitié. Ne sortant que la nuit, et en T-shirt malgré le froid glacial, la jeune fille ne manque pas de l’intriguer… et son arrivée dans cette banlieue de Stockolm coïncide avec une série de morts sanglantes et de disparitions mystérieuses. Il n’en faut pas plus à Oskar pour comprendre : Eli est un vampire. Leur complicité n’en pâtira pas, au contraire.
Visages pâles.
Janvier 2009, des hordes adolescentes vibrent dans les salles obscures en regardant Bella succomber au charme d’Edward et à sa peau scintillante au soleil. Twilight – Chapitre 1 : Fascination, sera l’un des cartons ciné de l’année et les les adaptations de la saga romantico-fantasy-teen qui se succèderont confirmeront leur statut de machines à cash. Les suceurs de sang étaient à la mode et Kristen Stewart ne tournait pas encore chez Assayas, ni Robert Pattinson chez Cronenberg.
Février 2009, Morse sort sur les écrans français à pas feutrés. Si bien que cette petite bombe de poésie horrifique qui a emballé tous les festivals où elle est passée n’a pas trouvé son public. A peine 37 000 entrées dans l’Hexagone. Pourtant, dans cette adaptation suédoise du roman tout aussi scandinave de John Ajvide Lindqvist Laisse-moi entrer, il est bien question d’un vampire et d’amour. Mais l’oeuvre est surtout empreinte d’une noirceur et d’une ambiguïté qu’aucun blockbuster américain ne sera en mesure de déployer. La preuve, avec le remake que Matt Reeves signera deux ans plus tard et qui édulcorera considérablement le contenu.
Morse, c’est la rencontre de deux anti-héros. Oskar, 12 ans, est le souffre-douleur de son collège. Eli semble avoir le même âge, mais en réalité, elle est plus que centenaire. Une longévité due à sa condition de vampire. Ces deux être marginalisés ne pouvaient qu’aller l’un vers l’autre et s’épauler. Car l’un a besoin d’aide pour tenir tête à ses tourmenteurs et l’autre doit par tous les moyens se fournir en sang humain. Endroit pas drôle pour une rencontre : la banlieue grisâtre du Stockholm des années 1980, engourdie par la neige et le gel suffit à elle seule à instiller une intense mélancolie. Un décor tout en contrastes, entre pâleur virginale et obscurité hivernale, cisaillé par des lames de violence, éclaboussé d’hémoglobine écarlate ou mordu par des flammes.
Morse est un récit d’apprentissage bien moins classique qu’il n’y paraît. Car l’on ne tarde pas à apprendre que Eli n’est pas une fille mais un garçon castré (l’un des points qu’élude le remake US). Cela ne compromettra aucunement le lien unissant le vampire et le jeune garçon – et raconter cela au premier degré ne manque pas d’audace. « C’est une histoire d’amour avant tout, déclarait à l’époque le réalisateur Tomas Alfredson dans le dossier de presse. Etre tiré des ténèbres par l’amour, être enseveli et soudainement sauvé par une main amie. Une main amie totalement inattendue. C’est ce que raconte mon histoire ».
En empruntant autant au cinéma d’horreur qu’aux ingrédients de romance, Morse s’impose comme un drame sentimental et macabre. Le happy-end reste en suspens sur une belle scène ouverte, qui explicite enfin le titre du film. Dans l’ultime plan, Oskar et Eli communiquent en morse, en tapant les lettres « P-U-S-S », ce qui, en suédois, se traduit par « petit bisou ». La tendresse innocente l’emporte en fin de compte sur la violence glaçante qui a précédé. Une conclusion bien plus forte que n’importe quel atermoiement sentimental entre Bella et Edward..
La fiche
MORSE
Réalisé par Tomas Alfredson
Avec Kåre Hedebrant, Lina Leandersson, Per Ragnar
Suède – Romance, Horreur
Sortie en salle : 4 février 2009
Durée : 114 min