MOVING ON
Critique du film
Lors de son passage au Festival du film coréen à Paris en 2019, la réalisatrice Kim Bora avait défini un point important concernant le cinéma de son pays. Célébrée pour son premier long-métrage, House of Hummingbird, primé dans de nombreux festivals en Asie, elle avait insisté sur la vitalité d’une nouvelle vague de femmes cinéaste, s’illustrant non seulement dans le cinéma d’art et essai indépendant, mais également désormais un peu plus dans les productions de plus gros studios. Yoon Danbi s’inscrit dans cette mouvance avec son premier film Moving on, primé au Festival des 3 continents à Nantes, recevant la Montgolfière d’or, et au Festival de Rotterdam. A tout juste 30 ans, elle participe à ce nouveau visage d’une Corée qu’on identifie peut être un trop à une génération de cinéastes masculins, aujourd’hui dans la cinquantaine, Bong Joonho, Park Chanwook et Kim Jiwoon en tête.
Moving on est tout d’abord un film sur la famille coréenne. Dès ses premières images il nous montre une camionnette où l’on retrouve un père et ses deux enfants, retournant dans la maison de famille où demeure toujours le grand-père, désormais malade. Ce chemin, symbolisé par une route, est également initiatique pour chaque membre de cette unité. Les non-dits sont nombreux, et les raisons profondes de cette migration restent mystérieuses. S’il faut s’occuper du patriarche qui ne peut plus vivre seul, on devine également que cette vieille maison devient un refuge, une planche de salut. On ressent fortement toutes les aspérités que cette famille a du rencontrer pour en arriver à ce moment de recomposition qui sonne comme une retraite.
Cela devient encore plus évident quand la sœur de ce père revient elle aussi dans la maison, y cherchant également un havre de paix qui lui fait défaut dans son propre foyer. Peu à peu on comprend que tous se blottissent autour du peu de certitudes qui leur restent : s’occuper de l’aïeul et se reconstruire si cela est encore possible. Yoon Danbi narre une histoire qui est devenu un classique du cinéma social coréen. Ces dernières années on ressent une forte crise au sein de la famille traditionnelle coréenne se reflétant de manière particulièrement aiguë par le biais de son cinéma. Si cela montre les difficultés que chacun a pour trouver sa place, c’est aussi une photographie de la crise économique qui touche durement la population. Les générations se resserrent autour de ce qu’ils ont faute de réussir à s’épanouir dans une société toujours plus concurrentielle et sans pitié.
Le sentiment le plus fort qui se dégage du film est l’échec. La fratrie d’adultes semble dans une même impasse. Ils s’affrontent pour dénoncer les erreurs et les manquements de l’autre pour mieux cacher leur désarroi face à leur propre situation. Mais au delà de ces petits conflits on ressent fortement que les liens entre eux sont la glu qui permet à cette famille de tenir et de faire sens au milieu de la violence du quotidien, alors que le plus âgé d’entre eux entre dans les derniers instants de sa vie. Moving on brille par son scénario bien construit et par la finesse de son analyse, usant d’une mise en scène simple et efficace, pour raconter un moment dans l’existence de ses personnages. Tout est comme un instant de transition, une pause, le temps d’une saison pour tenter de reprendre pied, et reprendre cette route qui menait au passé, le dernier moment de quiétude.