NENEH SUPERSTAR
Critique du film
Musique dans les oreilles, pas de danse endiablés, Neneh se laisse porter par les beats qui font vibrer son corps alors qu’elle se rend à un rendez-vous important. C’est un grand jour pour elle, qui passe une nouvelle épreuve d’un concours de danse pour intégrer l’école de l’Opéra de Paris.
Face à elle, que des bêtes de concours, des jeunes filles issues de milieux aisés. Neneh détonne, tant dans son parcours que dans sa façon de s’exprimer face au jury. Celui-ci débat de la pertinence de la sélectionner, avançant quelques arguments discriminatoires. Il est question de « morphotype noir », de profil qui ne correspond pas vraiment aux « valeurs » de l’école. Il faut toute la détermination du directeur de l’Opéra pour imposer le choix de Neneh face à la réticence de l’équipe enseignante.
L’annonce des résultats comble la jeune Neneh qui est loin de se douter que son cas a été longuement discuté. Sa joie est de courte durée. Tandis que sa mère désapprouve, ses copines d’école lui rétorquent qu’une fille comme elle n’a pas sa place dans une école « de princesses ». Sa détermination et sa fougue suffiront-elles face au racisme intériorisé et aux préjugés ? Cachez cette coupe afro que je ne saurais voir… Chignon serré, tutu blanc qui contraste avec l’ébène de son épiderme. Dans un monde aussi rigoureux et concurrenciel, Neneh Fanta dénote avec sa joie de vivre et ses « signes extérieurs de négritude » qui crispent une partie du corps enseignant. Tandis que ses nouvelles camarades se prennent en plein visage les exigences disciplinaires et les injonctions à perdre des kilos, elle doit, elle, affronter le mépris de classe de certains professeurs qui la stigmatisent pour sa manière de s’exprimer et d’agir et refusent de la considérer pour certains rôles. Blanche Neige, elle ne peut pas être noire. Les réflexions des élèves la renvoient systématiquement à sa couleur de peau. Alors, le soir, Neneh se rêve pourtant le rôle, s’admirant dans le miroir toute couverte de talc blanchissant son épiderme.
« Fille de cité »
Une fille « comme elle » peut-elle alors réussir dans cet univers si fermement accroché à ses traditions ? Le poids du déterminisme n’est-il pas trop lourd à porter ? Vaillante, Neneh ne désespère pas et s’accroche, remarquant notamment que la directrice elle-même vient de Gennevilliers mais s’efforce de masquer ses origines sociales. En plus de gommer son héritage génétique, devra-t-elle en faire de même ? Peut-elle devenir danseuse étoile sans plier le genou face aux dogmes archaïques de respectabilité ?
Sans verser dans la moralisation, avec générosité et humour, Neneh Superstar raconte l’admirable détermination d’une enfant qui ne veut pas renoncer à son rêve parce qu’elle n’a pas les codes et qu’elle n’est pas née au bon endroit et avec la bonne couleur de peau. Une comédie sociale tendre, débordante d’humanité et touchante de justesse, qui met en lumière la nécessité d’enfin casser les codes pour garantir une véritable diversité et permettre à chacun.e de trouver sa place sans contraindre son identité.
Bande-annonce
25 janvier 2023 – De Ramzi Ben Sliman, avec Oumy Bruni Garrel, Maïwenn Le Besco, Aïssa Maïga
Prix du Jury Mon Premier Festival