NOÉMIE DIT OUI
Noémie, une adolescente impétueuse de 15 ans, vit dans un centre jeunesse depuis trois ans. Lorsqu’elle perd tout espoir d’être reprise par sa mère, Noémie fugue du centre en quête de repères et de liberté. Elle va rejoindre son amie Léa, une ancienne du centre, qui l’introduit dans une bande de délinquants. Bientôt, elle tombe amoureuse du flamboyant Zach qui s’avère être un proxénète. Fin stratège aux sentiments amoureux ambigus, Zach incite Noémie à se prostituer. Récalcitrante au départ, Noémie dit oui.
Critique du film
Cela fait deux ans que Noémie est placée en foyer. À l’approche de la prochaine audition devant la juge de protection de la jeunesse, elle nourrit beaucoup d’espoir. Sa mère est enfin autorisée à l’accueillir à nouveau. C’est en tout cas ce que les services sociaux attestent. Pourtant, au moment d’entériner cette décision, sa mère, prise de doutes, fait volte-face et déclare préférer que son enfant demeure au foyer jusqu’à sa majorité.
La désillusion est féroce. Les espoirs de Noémie s’effondrent. Ce rejet lui est tellement insupportable qu’elle décide de fuguer du centre. Dans Montreal, elle retrouve Léa, une autre fugueuse, qui semble voler de ses propres ailes et vivre la belle vie avec son petit-ami dans un appartement luxueux. Mais elle découvre rapidement que Léa fait des passes d’escorte. Alors qu’elle se rapproche de Zach, un des garçons de la bande, ce dernier lui propose de devenir elle aussi escorte et de se faire des milliers de dollars assez facilement, arguant que c’est « chill » et que ce n’est « que du cul ».
Noémie refuse spontanément, préférant se tourner vers sa mère en espérant la convaincre de la récupérer. Mais cette dernière la rejette, craignant que sa fille ne perturbe l’équilibre précaire qu’elle s’efforce de maintenir dans sa vie chaotique. Au pied du mur, elle est contrainte de considérer la proposition et, la mort dans l’âme, Noémie dit oui. Débutent alors des rendez-vous à l’hôtel avec plusieurs clients, de tous horizons et de profils diverses. Les passes se succèdent, dans un décompte sordide qui vient renforcer le malaise.
Racontant la prostitution juvénile de façon crue mais jamais complaisante ou voyeuriste, Noémie dit oui de Geneviève Albert suit avec un réalisme déroutant la descente aux enfers de cette enfant livrée à elle-même. Les scènes s’enchaînent ad nauseam, éprouvant le spectateur alors que le personnage subit cette violence physique et psychologique. En s’appuyant sur le témoignage d’anciennes prostituées, Geneviève Albert a tenu à coller au plus près de la réalité, se gardant de magnifier le sort de ces gamines livrées en pâture au désir d’hommes ne cherchant qu’à assouvir leurs pulsions contre une somme d’argent. Sans basculer complètement dans l’horreur – qui aurait rendu son visionnage définitivement insoutenable -, la cinéaste conserve une certaine retenue grâce à un dispositif ne sexualisant jamais le corps de la comédienne et présentant les actes comme des transactions déshumanisées. Nul besoin non plus de dialogues pour rendre compte de la détresse croissante de Noémie, de la déchéance à la détresse.
Dans la rôle de la jeune fille à la dérive, Kelly Depeault est formidable de nuance et d’intensité, portant le film sur ses épaules. On ressort de Noémie dit oui éprouvé par le traumatisme de cette adolescente manipulée pour faire commerce de son corps. Un film qui prend aux tripes et qui vise à briser l’omerta autour de la prostitution. Le carton final du générique vient finir de glacer le sang : « Au Canada, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution se situe entre 14 et 15 ans. »