NOSTALGIA
Après 40 ans d’absence, Felice retourne dans sa ville natale : Naples. Il redécouvre les lieux, les codes de la ville et un passé qui le ronge.
Critique du film
La ville de Naples est une récurrence dans le cinéma de Mario Martone, natif de cette grande cité de Campanie, théâtre de la plupart de ses fictions, dès ses deux premiers long-métrages, Mort d’un mathématicien napolitain (1992) et de L’amour meurtri, présenté en compétition officielle au festival de Cannes en 1995. Trente ans après ses débuts comme metteur en scène, c’est tout logiquement qu’il retourne une nouvelle fois chez lui pour Nostalgia, qui est un cri d’amour supplémentaire à ce berceau de l’enfance. Pour boucler ce projet c’est au grand acteur Pierfranceso Favino qu’est dévolu le rôle de Felice, de retour dans sa ville après un exil de près de quarante années. C’est un homme d’âge mur, bien vêtu et avec des manières impeccables, qu’on voit débarquer d’Egypte, patrie d’adoption de celui qui a perdu jusqu’à son accent, ne pratiquant plus l’italien depuis des décennies.
Les premiers moments du film sont très réussis ; la couleur de Naples, de ses rues populaires, saute aux yeux et se découvre à travers le regard de Felice qui, comme nous, prend contact avec cette vision oubliée. La douceur de ses mouvements et la naïveté de ses démarches sont la première surprise du film. Ce n’est pas un retour teinté de vengeance qui nous est proposé mais bien une redécouverte d’un passé enfoui jusqu’à la négation et l’oubli. Cette première demi-heure permet à ce quinquagénaire de revoir sa mère, désormais très âgée et malade, et lui dire adieu, dans des derniers moments ensemble intimes et touchants. Quand retombe l’intensité de l’oraison funèbre, Felice est toujours là, sans qu’on comprenne dès lors pour quelles raisons, provoquant un délitement ininterrompu à la fois de l’intérêt du film mais aussi de la qualité de son écriture.
Après avoir exploré l’amour filial, Martone décide de se pencher sur la grande amitié d’adolescence de son personnage, et de révéler les raisons de son départ précipité vers le Liban, puis l’Afrique, pour ne jamais revenir visiter sa famille. L’emmêlement de ces explications avec la rencontre du prêtre de la paroisse de sa mère livrent des scènes pour le moins étranges, la familiarité entre les deux hommes étant au mieux cocasse, au pire tout bonnement ridicule. Ce voyage qui était jusqu’alors doux et nostalgique devient une source de violence qu’on a peine à comprendre tant elle apparaît de façon impromptue et peu crédible. L’entêtement de Felice à vouloir s’installer à Naples ne semble être là que pour justifier un emballement du scénario et son basculement vers le film noir et une logique de vendetta mafieuse assez convenue et stéréotypée.
Pire encore, ce sont les dialogues qui s’avèrent de piètres qualité, la grande réunion entre les amis d’enfance accouche d’un échange froid et plat où ne jaillit aucune émotion, ajoutant de la lassitude à une intrigue déjà bien enlisée dans l’allongement de la durée du film qui aurait gagné à être plus resserré. La fatalité du dénouement, telle une sentence fatidique et prévisible, est très décevante, précipitant les deux personnages dans des archétypes tristes et sans relief. Si Favino tire son épingle du jeu grâce à son immense charisme, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il finit lui même par se perdre dans le caractère mou et dénué d’énergie de Felice qui subit plus qu’il n’agit, se précipitant sous l’échafaud avec le sourire.
En fin de compte, la ville de Naples est magnifiée dans Nostalgia, tant du point de vue de la photographie que de certains plans de caméras, notamment ceux suivant la moto de Felice dans les rues de la cité, créant une aspiration et un dynamisme grandiose. Il est regrettable que le même travail ne fut pas effectué pour ce qui est de l’écriture, essentiellement concernant la relation entre Felice et Oreste, qui aurait pu être passionnante et vibrante de maestria et d’émotion. À la place, c’est une fiction stéréotypée et fade que nous administre Mario Martone, avec un dénouement en roue libre de bien petite facture.
Bande-annonce
4 janvier 2023 – De Mario Martone, avec Pierfrancesco Favino, Sofia Essaïdi et Tommaso Ragno.