featured_notre-histoire-policiere

NOTRE HISTOIRE POLICIÈRE

Quelles qualités faut-il pour devenir policier dans une ville aussi violente que Mexico ? Devant la caméra d’Alonso Ruizpalacios, deux acteurs professionnels participent à une expérience en immersion au sein de la police locale.

Critique du film

Alonso Ruizpalacios est ce qu’il convient d’appeler un secret bien gardé pour les spectateurs français. Ses deux premiers long-métrages, Güeros (2013) et Museo (2018), n’ont pas eu la chance d’être distribués officiellement en France, réservés aux heureux festivaliers de la Berlinale et de quelques autres événements permettant de voir sur grand écran l’œuvre du mexicain. C’est avant tout un amoureux de la ville de Mexico, qui met en scène une image du contemporain dans une capitale d’Amérique centrale qui est une des villes les plus violentes au monde, mais aussi l’une des plus peuplées. C’est à la police locale qu’il décide de consacrer son troisième film, Notre histoire policière, avec une attention toute particulière donnée à la forme.

L’histoire est déroutante. Elle se démultiplie dès son entame, désirant montrer ses personnages principaux, Teresa et Montoya, tout d’abord par le truchement de deux acteurs, puis directement face à la caméra sans aucun intermédiaire. Cet emmêlement de la fiction et du documentaire est extrêmement déconcertant, en ce qu’il modifie en permanence ce que l’on croit avoir compris du film. Ruizpalacios s’amuse avec son spectateur, demandant à ses acteurs de parler face à la caméra régulièrement, animant une voix-off qui n’en est plus vraiment une, créant un récit conscient de lui-même, entre drame et farce, burlesque et tragédie.

Ce couple de policiers explique dans le détail la complexité de leur situation. D’abord séparés dans le récit, ils finissent par se croiser, faisant basculer le conte initiatique vers la romance avec parfois même une pointe d’humour et de comédie qui, là encore, participe à toujours rebattre les cartes d’une narration sans cesse surprenante. Ces personnages sont décrits comme riches, multi-dimensionnels, tantôt flirtant avec le sordide ou le sublime, mais aussi avec le drame car s’il y a de nombreuses ruptures de ton, l’auteur rappelle la dureté de ce métier et les obstacles à son bon déroulement.

Notre histoire policière

La corruption est le premier écueil sur leur chemin : chaque journée se déroule sur le même schéma, il faut payer pour pouvoir exercer son métier correctement. Pour avoir l’arme que l’on souhaite, la voiture de patrouille en bon état, un gilet pare-balles efficace. La moindre chose a un coût et devient une charge. Leur histoire d’amour devient le second poids de leur carrière, la mettant en péril car mal vue par les collègues et la hiérarchie. Surnommés « la patrouille de l’amour », leur tâche est plus difficile encore à cause de leur relation de couple.

Au delà de ces injustices, être agent de l’ordre dans une ville qui n’en tolère que très peu devient vite impossible par absence de moyens et de volonté politique. La description même de la formation à l’académie prend les atours d’un piège vicieux et sournois qui tourne à l’humiliation et à la souffrance. Le réalisateur réussit un objet cinématographique passionnant dans la manière si singulière qu’il a de la raconter. Ses idées pour mettre en scène un aspect quotidien de la ville de Mexico lui permette de transcender son sujet et d’en faire un pur bijou de cinéma. La finesse et l’intelligence avec laquelle il fait de Teresa et Montoya des figures à la fois banales mais aussi héroïques, rappellent le grand artiste qu’il est, méritant d’être vu et reconnu sur tous les territoires possibles.

Ce nouveau film, primé à Berlin cette année et montré en première française au festival de La Roche-sur-yon, pourra être vu sur Netflix dès le mois prochain, à défaut d’avoir la sortie en salle qu’il aurait bien mérité. Il ne reste qu’à espérer que la suite de cette œuvre si prometteuse connaîtra un meilleur destin, visible de tous et de toutes.

Bande-annonce

Disponible dès le 5 novembre 2021 sur Netflix – De Alonso Ruizpalacios
avec Monica Del Carmen et Raùl Briones


Présenté en compétition au Festival International de La Roche-sur-Yon

LRSY2021