N°10
Günter, trouvé dans les bois en Allemagne à l’âge de quatre ans, a grandi dans une famille d’accueil. Une quarantaine d’années plus tard, il mène une vie normale : il gagne sa vie comme acteur de théâtre, passe du temps avec sa fille Lizzy, a une liaison avec une femme mariée. Lorsqu’un homme sur un pont lui chuchote un mot étrange à l’oreille, il commence à s’interroger sur ses origines.
Critique du film
Dixième film de son réalisateur Alex Van Warmerdam – d’où son titre – N°10 commence à la fois comme une simple histoire d’adultère qui pourrait mal tourner et le journal de bord des répétitions d’une pièce de théâtre en train de se monter. Marius, un des comédiens, n’arrive pas à mémoriser son texte, trop préoccupé par l’état de santé de sa femme et en manque de sommeil. Le comportement de cet homme d’âge mûr et ses défaillances dans l’apprentissage de son texte commencent à agacer le metteur-en-scène Karl et les autres artistes. Günter, un des autres comédiens, entretient une liaison avec Isabel, femme de Karl. Ce dernier, l’apprenant, décide de se venger en inversant certaines répliques, certaines situations de la pièce qui concernent Marius et Günter. Cet état de fait produit une source d’humour savoureux.
On voit des adultes, pourtant artistes de profession, prendre de façon personnelle des directives qui touchent à leurs personnages. Mais ils ne veulent pas que ces personnages soient « maltraités » ou ridiculisés, comme s’il s’agissait d’eux-mêmes et confondaient jeu théâtral, création artistique et vie réelle. Marius se retrouve avec plus de texte, qu’il a bien du mal à apprendre. De son côté, Günter semble suivi, épié. Et un homme croisé sur un pont lui chuchote à l’oreille quelque chose qui semble le bouleverser…
Alex Van Warmerdam, qui a été très tôt marqué par le cinéma de Luis Buñuel, le surréalisme, nous livre une œuvre déroutante, originale, qui ne ressemble à aucune autre. Il s’agit d’un film étrange, à l’humour assez atypique, à l’ambiance presque inquiétante. Les personnages sont observés avec une certaine distance, tandis que l’accent est mis sur l’absurdité de la vie, des situations. Et c’est aussi par sa construction scénaristique et dramaturgique que le film surprend et captive, grâce à des détours, des changements de tons et d’univers.
Artiste polyvalent, peintre, comédien, romancier et scénariste, Alex Van Warmerdam livre ici un film à l’humour noir, une vision assez sombre du monde, de la religion et des rapports humains. N°10 constitue donc un film inclassable et d’une grande liberté de ton qui demande à ce qu’on s‘abandonne à son rythme et à ses virages, sans idée préconçue.
Bande-annonce
30 août 2023 – De Alex Van Warmerdam, avec Anniek Pheifer, Gene Bervoets, Pierre Bokma
