ON DIRAIT LA PLANÈTE MARS
La première mission habitée sur Mars est en péril. Pas de panique : une branche canadienne de l’agence spatiale envoie dans une base en plein désert cinq anonymes sélectionnés pour leurs profils psychologiques quasi identiques à ceux des astronautes. Ils doivent vivre comme eux, penser comme eux, être comme eux, pour anticiper et résoudre les conflits.
Critique du film
Partant d’une idée peu commune, le réalisateur québécois Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole) nous emmène en mission à bord d’un faux vaisseau, sur une fausse planète Mars, avec de faux astronautes. Mais une fois ce concept ubuesque dépassé, il était aisé de craindre qu’On dirait la planète Mars finisse par tourner en rond. Son personnage principal, David, a fait du globe rouge son obsession. Il le voit partout, jusque dans son mélange ketchup – mayo ou dans les balles de basket du lycée où il enseigne. Stéphane Lafleur décide de matérialiser cette obsession maladive en nous mettant, nous aussi, face à ce rouge passionnel qui finit par nous envoûter. Direction la planète Mars aux côtés d’un équipage peu conventionnel.
Prenant ouvertement exemple sur les conflits vécus pendant le confinement, le cinéaste se sert de son concept pour rappeler l’importance des règles de bienséance à appliquer au quotidien. Grâce à une dose d’humour parfaitement mesurée, principalement destinée à gêner le spectateur devant l’absurdité de l’action, le cinéaste offre à son film un rythme homogène, sans réel ventre mou. Le réalisateur appuie sur les irritations, des comportements incompréhensibles aux bruits nuisibles (ronflements, bruits de bouche, couverts…) pour traverser l’écran et exaspérer les spectateurs. Difficile de ne pas s’identifier à ces situations si récurrentes – et futiles – qui rendent notre quotidien un peu plus agaçant que la veille. Mais Lafleur nous invite à les embrasser. À les éviter autant que possible, en préférant le dialogue au silence, mais aussi à les accepter. Ces situations sont inhérentes à la nature humaine : pourquoi lutter ? L’uniformisation de nos corps et de nos esprits nous mèneraient indéniablement à notre perte.
Ce rêve rouge
Prévu pour le 2 août, On dirait la planète Mars est, selon son réalisateur « davantage inspiré de photographies que de cinéastes ». Misant sur de forts contrastes, en intérieur comme en extérieur, le film surprend par sa photographie à la colorimétrie variée. Le long-métrage invite également à la remise en question de soi, partant du postulat que notre ego guide chacune de nos décisions, même lorsqu’on pense les effectuer pour les autres. Notre vie passe avant celle de nos proches, et nos rêves doivent être réalisés peu importe les dégâts qu’ils peuvent causer.
Et même si l’on salue la sincérité du propos, on regrette une certaine distance jamais effacée, laissant parfois la lassitude nous gagner. Cet équipage hétérogène guidé par l’excellent Steve Laplante avait tout pour nous faire vibrer un peu plus. Le potentiel permis par le huis-clos ne semble pas suffisamment exploité, et la psychologie des personnages parait trop survolée. Heureusement, la beauté des dernières minutes permettent au cinéaste de finir son œuvre de la meilleure des manières. Et même s’il affirmait, lors de la présentation de son film au FEMA de La Rochelle, qu’il commençait toujours ses scénarios sans message précis à faire passer, celui d’On dirait la planète Mars semble clair : sucrons deux fois notre café, laissons notre égo de côté. Du bonheur, même le plus simple des gestes peut en être la clé.