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ON IRA

Marie, 80 ans, en a ras le bol de sa maladie. Elle a un plan : partir en Suisse pour mettre fin à ses jours. Mais au moment de l’annoncer à Bruno, son fils irresponsable, et Anna sa petite-fille en crise d’ado, elle panique et invente un énorme mensonge. Prétextant un mystérieux héritage à aller chercher dans une banque suisse, elle leur propose de faire un voyage tous ensemble. Complice involontaire de cette mascarade, Rudy, un auxiliaire de vie tout juste rencontré la veille, va prendre le volant du vieux camping car familial, et conduire cette famille dans un voyage inattendu.

Critique du film

Après le succès de Fleur bleue, savoureux programme court pour Canal+ qui raconte avec humour et décomplexion les tribulations intimes d’une trentenaire célibataire, Enya Baroux passe à la réalisation de son premier long-métrage, On ira, avec un sujet particulièrement d’actualité. En effet, pour sa première fiction pour le cinéma, elle explore la thématique du suicide assisté par le prisme d’un road-trip familial. Si le film réussit à susciter des émotions sincères par son approche intimiste et les performances de ses comédien-ne-s, il peine cependant à éviter quelques clichés et à approfondir véritablement ses sujets centraux. L’œuvre oscille entre moments de douceur et de tension, mais laisse parfois l’impression de ne rester qu’en surface pour conserver sa dimension feel good.

À cause d’un cancer récidivant et désormais métastasé, Marie a pris la décision de se rendre en Suisse pour s’en aller tant qu’elle a toute sa tête et qu’elle n’est pas encore un fardeau pour son entourage. Mais l’octogénaire n’arrive pas à trouver le moment idoine pour l’annoncer à son fils, accablé de dettes et très égocentré, pas plus qu’à sa petite-fille qu’elle protège et pour laquelle elle semble être la seule figure maternelle. Le film montre ses doutes, son anxiété et ses souffrances et offre quelques moments d’intimité entre les personnages, entre deux quiproquos et incidents de parcours.

À travers la relation dysfonctionnelle entre la mère malade, son fils et sa petite-fille adolescente, On ira retarde la question cruciale de la dignité et du droit de choisir les conditions de sa fin plutôt que de s’imposer la souffrance et le déclin. Si le film s’avère touchant en exposant la difficulté de se voir perdre son autonomie, il n’évoque que de manière disparate les enjeux éthiques qui entourent la fin de vie, sur laquelle la France tarde à légiférer à cause de nombreuses réticences conservatrices. Le film met toutefois très bien en avant la nécessité de respecter les choix de la personne malade, notamment dans une très belle scène où le personnage de Pierre Lottin (En fanfare) recentre le point de vue sur la première concernée.

On ira

Mais celle-ci n’arrivera que dans le dernier segment, puisque Marie (formidable Hélène Vincent) repousse inlassablement la révélation à ses proches, craignant leur réaction et voulant prolonger un peu ce voyage improvisé qui leur permet de profiter de moments partagés, trop rares à son goût. Le road-trip constitue bel et bien le cœur du film, le voyage en camping-car étant le moteur de l’intrigue et, quelque part, une métaphore de l’errance émotionnelle des personnages. Ce voyage sera l’occasion de retisser les liens familiaux, mais aussi de mettre en lumière les non-dits et de fissurer un peu les pudeurs.

Mais si ce road-trip est un prétexte efficace pour explorer les relations intrafamiliales, il reste assez convenu dans sa mécanique, avec les passages obligés de conflits et de tentatives de réconciliation. Heureusement, la fraîcheur des comédien-ne-s offre au film quelques scènes drôles et/ou attendrissantes, en particulier lorsque le film illustre le rapport à la mort d’autres communautés, comme celle des gens du voyage. Ode à la vie, à l’altruisme et au libre-arbitre, On ira compense ainsi ses défauts par sa sincérité et sa qualité d’interprétation et d’écriture des dialogues.

Bande-annonce

12 mars 2025 – D’Enya Baroux