OXANA
Ukraine, 2008. La jeune Oxana et son groupe d’amies multiplient les actions, slogans peints sur le corps et couronnes de fleurs dans les cheveux, contre un gouvernement arbitraire et corrompu. C’est la naissance d’un des mouvements les plus importants du XXIe siècle : FEMEN. Réfugiée politique, artiste, activiste, Oxana franchira les frontières et militera sans relâche pour les droits des femmes et la liberté, jusqu’à risquer sa propre vie.
Critique du film
Avec Oxana, Charlène Favier (Slalom) signe un second long-métrage percutant, centré sur la figure complexe et fascinante d’Oksana Chatchko, cofondatrice du mouvement FEMEN. Brossant un nouveau portrait de femme·s en lutte, la réalisatrice iséroise construit un récit à double temporalité : d’un côté, l’enfance d’Oksana en Ukraine, ses premiers tableaux, son éveil militant, la naissance et l’évolution de FEMEN ; de l’autre, les dernières heures de sa vie à Paris, imaginées avec délicatesse jusqu’à son suicide en 2018 à Montrouge.
Entendre et voir
Ce va-et-vient narratif n’a rien d’artificiel. Au contraire, il permet de mieux saisir le coût intime de l’engagement absolu qui était le sien. Le film retrace la genèse du mouvement FEMEN, né à Kyiv en 2008, qui avait pour objectif initial de dénoncer la domination patriarcale, les dictatures, la corruption politique et les inégalités sociales, en mêlant féminisme et lutte des classes. Longtemps caricaturées en France par un traitement médiatique réducteur, leurs actions topless n’étaient pas gratuites et comportait une véritable dimension politique. Leur poitrine dénudée devenait un outil de réappropriation du corps féminin, transformant l’objet sexuel en objet de révolte, et captait l’attention sur leurs slogans, faisant de leurs seins des armes visuelles de contestation.
L’art, c’est la révolution
Charlène Favier capte cette intensité, mais aussi l’usure psychologique d’un combat mené au prix de la solitude et du doute, et dont elle sera dépossédée par une autre militante, plus stratège et médiatique qu’elle. Oksana, déchirée entre ses convictions artistiques, sa spiritualité et ses engagements militants, apparaît comme une figure tragique et profondément inspirante. D’une mise en scène élégante, à la fois nerveuse et contemplative, qui soutient avec justesse ce récit entre feu et vertige, Oxana est également porté par l’interprétation habitée d’Albina Korzh, un souffle féministe intransigeant et une mélancolie profonde.
Évitant l’écueil de l’hagiographie, le film montrant autant ses doutes que sa colère et sa vulnérabilité, Oxana rend un hommage puissant et nécessaire à une figure lumineuse, brisée par un monde trop sourd à sa révolte. Mais plus qu’un hommage, le long métrage s’inscrit dans la démarche même de son personnage éponyme, faisant de l’art un geste politique, un cri de résistance. La cinéaste traduit autant l’énergie rageuse de la co-créatrice du collectif qu’elle en interroge ses limites et la manière dont une cause et une société indifférente peuvent engloutir une personne. Une femme, brillante et incomprise, exilée puis abandonnée par sa terre d’accueil, qui avait fait de son corps un manifeste, et de sa vie un combat sans compromis.
Bande-annonce
16 avril 2025 – De Charlène Favier