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PAPA EST EN VOYAGE D’AFFAIRES

Sarajevo. Juin 1950, peu après la rupture Tito-Staline qui crée des tensions dans la société yougoslave. Meša, volage mais attaché à sa famille et amoureux de sa femme Sena, est dénoncé pour une plaisanterie par une maîtresse délaissée et envoyé par son propre beau-frère en camp de travail. Pour les protéger, Sena dit à leurs enfants que Papa est en voyage d’affaires. Alors que son frère passe son temps au cinéma, Malik, le plus jeune, se réfugie dans le somnambulisme tandis que toute la famille vit dans l’incertitude… A défaut de retour, une visite sur « son lieu de travail » est bientôt possible…

Critique du film

Deuxième film d’Emir Kusturica, sorti en 1985 après Te souviens-tu de Dolly Bell ?, Papa est en voyage d’affaires évoque parfois Amarcord de Federico Fellini, pour l’aspect nostalgique d’une certaine vie de famille décrite de façon pittoresque, le rapport au cinéma et la tendresse que le cinéaste porte à ses personnages. Ici, il n’y a pas de héros au sens propre, mais des personnages, des êtres humains qui nous ressemblent avec leurs forces, leurs faiblesses et parfois même leurs trahisons ou leurs bassesses. Mais Papa est en voyage d’affaires est aussi un film sur l’enfance et la perte de certaines illusions, notamment vis-à-vis des adultes, pas toujours honnêtes, ni courageux.

Le contexte politique dans lequel s’inscrit Papa est en voyage d’affaires, la Yougoslavie aux débuts des années 1950, pleine de tensions due à la rupture entre Tito et Staline, est rendu avec beaucoup d’humour. Meša, qui a commenté un dessin satirique paru dans la presse et mettant en scène Karl Marx et Josep Staline, va être envoyé dans un camp de travail forcé à la suite d’une dénonciation, qui est surtout une vengeance. Comme dans toute société fracturée par des dissensions, tout est bon pour se débarrasser d’un rival ou d’un amant trop tiède ou hésitant à s’engager. Son beau-frère et sa maîtresse oeuvrent donc à sa perte. Et pour ne pas trop perturber les deux enfants de Meša, on leur prétend que leur père est parti en voyage d’affaires. 

Papa est en voyage d'affaires

On pense beaucoup à la comédie italienne en voyant Papa est en voyage d’affaires, avec ce mélange d’humour et de gravité, de férocité du trait et de sympathie pour des protagonistes qui sont loin d’être des saints. Dans le rôle de Meša, on trouve le très drôle Miki Manojlovic, qui sera plus tard un des antihéros de Underground ou de Chat noir, chat blanc. Il interprète ce personnage avec toute sa verve habituelle. Dans le rôle de son épouse, Mirjana Karanovic se montre particulièrement attendrissante, partagée entre la tristesse et la peur d’une part pour son époux éloigné de force, et toute la protection maternelle qui se traduit par de pieux mensonges. 

Comme souvent chez Emir Kusturica, on trouve cette poésie singulière et cette forme de magie, notamment dans la façon dont sont montrées les crises de somnambulisme de Mailk, que joue le jeune Moreno D’E Bartoli, pour ce qui est sûrement le seul rôle qu’il ait tenu. Son personnage, tout en timidité et en maladresses apporte beaucoup à cette œuvre qui a obtenu la Palme D’Or à Cannes en 1985, dix ans avant que le réalisateur ne remporte une seconde fois cette prestigieuse récompense avec Underground


De retour en salle le 2 octobre dans une version restaurée distribuée par Malavida Films

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