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PARADISE IS BURNING

Dans une région ouvrière de Suède, trois jeunes sœurs se débrouillent seules, laissées à elles-mêmes par une mère absente. Une vie joyeuse, insouciante et anarchique loin des adultes mais interrompue par un appel des services sociaux qui souhaitent convoquer une réunion. L’aînée va alors devoir trouver quelqu’un pour jouer le rôle de leur mère…

Critique du film

Trois soeurs sont livrées à elles-mêmes, alors que leur mère n’a pas montré signe de vie depuis plusieurs semaines. La « fratrie » (ou plutôt la sororie) rivalise donc d’ingéniosité et de débrouillardise pour parvenir à subsister, obligeant Laura (l’aînée), du haut de ses seize ans, à assumer des responsabilités dont son âge devrait pourtant l’affranchir. Dans ce quartier populaire suédois, elles tentent de mener une vie la plus insouciante possible malgré le chaos relatif qui règne dans l’appartement, du fait de leur jeune âge et de leur manque de moyens pour se nourrir, qui les conduit parfois à resquiller ou à faire appel à la solidarité de leur voisine.

Lorsque les services sociaux s’inquiètent de la situation, sollicitant une visite de contrôle, Laura n’a alors pas d’autre choix que de partir en quête d’une figure adulte qui pourrait jouer temporairement ce rôle maternel, couvrant alors les manquements de leur génitrice. Pour ne pas inquiéter ses soeurs, elle décide de leur taire cette menace qui planera sur l’ensemble du film comme une épée de Damoclès, une issue presque fatalement inévitable. Mais lorsqu’elle rencontre Hanna, une mère cherchant à fuir un foyer où elle ne semble plus trouver sa place, une relation plus complice s’installe entre elles. Progressivement, Laura s’affranchit de la responsabilité écrasante de s’occuper de ses soeurs pour explorer ses propres désirs naissants et entretenir ce rapprochement.

Paradise is burning

La vraie réussite de ce premier film de Mika Gustafson, récompensée du prix de la meilleure réalisatrice dans la section Orizzonti lors de la précédente Mostra, est d’éviter de nombreux écueils et clichés sur la jeunesse à la dérive, sans mettre de côté les arcs narratifs des deux soeurs cadettes de Laura. Si les trois soeurs s’éloignent progressivement, pour suivre leurs désirs de jouer et tisser des liens amicaux (pour Steffi, la benjamine, pas encore pubère) et se divertir pour Mira, la cadette, qui découvre les affres de premières menstruations en pleine absence maternelle, elles finissent toujours par se retrouver autour d’un repas de fortune ou d’une nuit partagée dans le même couchage.

D’un drame qui aurait pu basculer dans le sordide, Mika Gustafson en fait une oeuvre assez solaire qui célèbre la sororité et la fougue de ses trois héroïnes, offrant quelques belles scènes de complicité et de réconciliation. Comme un parent éloigné de Nobody Knows ou de Scrapper (sorti plus tôt dans l’année), cette exploration d’une jeunesse livrée à elle-même s’efforçant de vivre pleinement son existence malgré la précarité, repoussant l’inéluctable intervention d’un système dont elles savent qu’il leur imposera bientôt des changements qu’aucune des soeurs ne désire, suscite un véritable attachement.

Ce beau lien sororal est magnifié par l’interprétation de ses jeunes comédiennes et souligné par une bande-son et un montage énergiques qui nous embarquent dans ce tourbillon familial où chaque passage obligé devient un rituel euphorique. Si Paradise is burning ne nous épargne pas une certaine crudité, la sincérité et l’authenticité qui se dégagent de la réalisation et des performances de ses comédiennes compensent les quelques lacunes narratives occasionnelles pour créer un film d’une puissance tranquille.

Bande-annonce