PETITE NATURE
Johnny a dix ans. Mais à son âge, il ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM en Lorraine, il observe avec curiosité la vie sentimentale agitée de sa jeune mère. Cette année, il intègre la classe de Monsieur Adamski, un jeune titulaire qui croit en lui et avec lequel il pousse la porte d’un nouveau monde.
Notre avis sur le film
Samuel Theis se lance dans sa première réalisation en solo avec Petite nature et revisite son enfance en Moselle, signant un film sur les éveils à la vie, qu’ils soient d’ordre affectif, intellectuel, et même sexuel, toujours à hauteur d’enfant. On découvre le regard de ce jeune garçon sur le monde, immergé dans sa découverte de la sensualité, dans son trouble, son tâtonnement. La grande intelligence de Theis réside dans sa capacité à capter ce trouble et son sujet tabou (le désir d’un pré-adolescent pour un adulte), à le matérialiser sans jamais verser dans le malsain, bien conscient de sa responsabilité à représenter justement ce désir à l’écran. Quand Johnny, qui met sur un piédestal son professeur, se retrouve en pleine confusion des sentiments, le film reste dans la pudeur, ne verse pas dans le sordide et réussit remarquablement à replacer les restrictions sans complaisance. – TP
Avec Petite Nature, Samuel Theiss s’inspire de sa propre enfance pour dresser le portrait sensible d’un jeune garçon de 10 ans, cherchant à trouver sa place dans un environnement social difficile et au sein d’une cellule familiale abusive. Sa rencontre avec un professeur va l’initier progressivement à la culture mais aussi l’éveiller à des sentiments de désir envers cet homme, seule figure adulte à l’encourager et le regarder avec bienveillance. Le sujet est troublant sur le papier ! Le réalisateur l’aborde pourtant avec une remarquable justesse, sans complaisance, avec un regard toujours à la bonne hauteur. Il livre ainsi un très beau récit d’apprentissage contre le déterminisme social, renforcé par l’incroyable énergie de son jeune interprète, Aliocha Reinert. – AR
Qui ne rêverait pas d’avoir pour parents le couple Antoine Reinartz – Izïa Higelin ? Johnny en a pourtant, des parents. Mais moins « bien » : ils ne sont pas instituteur et médiatrice dans un musée. Moins là surtout. Voire plus du tout : la mère de Johnny quitte son père au début du film ; il en disparaît complètement. « Pas fiable » selon elle. Johnny, dix ans, pourrait lui renvoyer la même critique : elle délègue tant qu’il en devient adulte trop vite. Avec un précision aux accents autobiographiques, Samuel Theis filme le fin fond de la banlieue du fin fond de la Moselle. À une centaine de kilomètres de là, Philippe Claudel tournait Une Enfance (2015). Même région, mêmes décors et protagonistes du même âge. Un même plan, aussi : un jeune garçon – Jimmy – qui masse les jambes nues de sa mère. Comme si les deux réalisateurs accusaient la même personne. Une mère qui ne sait pas en être une. Qui ne connaît pas de limites, n’a pas de codes à fournir à son enfant quant à la sexualité. Et qui refuse qu’il s’élève car elle ne pourrait pas faire sans lui. Chez Samuel Theis, la petite nature trouve ses appuis, comprend comment se défendre. Adulte, il finit par l’être vraiment. – AP
Bande-annonce
9 mars 2022 – De Samuel Theis, avec Aliocha Reinert, Antoine Reinartz, Izïa Higelin
Semaine de la Critique – Cannes 2021