PINOCCHIO
Guillermo del Toro revisite le conte de Carlo Collodi sur une marionnette qui, comme par magie, prend vie pour apaiser le cœur du sculpteur sur bois Geppetto. Une épopée musicale et fantastique en stop-motion qui suit les aventures de l’espiègle et désobéissant Pinocchio cherchant sa place dans le monde.
CRITIQUE DU FILM
De la dizaine d’adaptations au cinéma du roman de Carlo Collodi, paru en Italie sous une forme sérielle dès 1881, on garde surtout à l’esprit celle de Walt Disney sortie en 1940. De nombreux autres artistes se sont attelés à la tâche de réinventer et mettre au goût du jour cette histoire ancienne, que ce soit Luigi Comencini en 1972 et 1975, Steve Barron en 1996, ou encore Roberto Benigni en 2002 et Matteo Garrone en 2019. Il y a quelques mois, c’était la version « live action » de Robert Zemeckis, produite par Disney pour alimenter son site de streaming, qui décalquait paresseusement le classique du studio dans une adaptation plate et sans génie.
La tâche consistant à adapter une des histoires pour enfants les plus connues au monde était donc ardue mais les challenges n’ont jamais fait peur à Guillermo Del Toro. Le projet a en effet mis beaucoup de temps à devenir réalité. Dès 2008, le réalisateur mexicain annonce qu’il va adapter l’histoire, avouant qu’il nourrit une passion de longue date pour ce personnage qui le touche personnellement plus que tout autre. La route va être longue et les difficultés nombreuses avant qu’il ne parvienne à réaliser son rêve. Alors que le film avait été annulé en 2017, c’est finalement Netflix qui a permis de débloquer la situation, avec The Jim Henson Company et le studio d’animation américain ShadowMachine.
Co-réalisé avec Mark Gustafson, le Pinocchio de Del Toro voit son action située dans l’Italie fasciste des années 1930. Réalisé en stop-motion et en images de synthèse, il s’agit du premier film d’animation du réalisateur. Il se démarque nettement de ses prédécesseurs par son ton plus sombre. On y retrouve un de ses univers de prédilection, la guerre, pour déboucher sur une véritable recréation de l’histoire d’origine, gommant les aspects enfantins et manichéens du Disney.
Del Toro a fait appel à des pointures pour les voix : Ewan McGregor, Christoph Waltz, Tilda Swinton, Ron Perlman, et le débutant mais néanmoins excellent Gregory Mann pour la voix de Pinocchio. C’est l’omniprésent Alexandre Desplat qui a composé la musique du film, ainsi que les chansons nécessaires aux quelques numéros musicaux, bien moins présents que chez la firme à la souris, qui parsèment un récit haletant mais qui prend son temps pour installer les personnages. Bénéficiant d’un design remarquable, le film réussit à nous embarquer dans une histoire que l’on connaît par cœur en la réinventant.
Avec le talent qu’on lui connaît, Del Toro sait marier tragédie et comédie afin de proposer une réflexion sur l’amour entre un père et son fils de substitution. Profondeur des émotions et richesse des enjeux sont ici au programme, dans cette adaptation qui réussit à tirer profit de l’ambiance délétère de l’Italie fasciste pour en prendre un contre-pied assez jouissif, notamment dans une scène d’anthologie avec Benito Mussolini.
Projeté en avant-première quasi mondiale au Festival Lumière (sans la présence pourtant annoncée du réalisateur, endeuillé par le décès récent de sa mère), le film a reçu un applaudissement nourri. Dommage que les spectateurs français ne puissent pas profiter de la beauté de ses images sur grand écran, le film sera uniquement visible sur Netflix à partir du 9 décembre.
Bande-annonce
9 décembre 2022 (Netflix) – De Guillermo del Toro, Mark Gustafson
FESTIVAL LUMIERE 2022