Planète B

PLANÈTE B

France, 2039. Une nuit, des activistes traqués par l’Etat, disparaissent sans laisser aucune trace. Julia Bombarth se trouve parmi eux. A son réveil, elle se découvre enfermée dans un monde totalement inconnu : PLANÈTE B.

Critique du film

L’intention à l’origine de Planète B, deuxième long-métrage de fiction d’Aude Léa Rapin après Les héros ne meurent jamais (2019), est des plus louables. Consommatrice et admiratrice du cinéma de science-fiction nord-américain, elle tenait à monter un film français qui serait ancré dans l’économie du cinéma français. Cela sous-entend un budget plus modeste que les super-productions hollywoodiennes, mais en aucun cas un renoncement en terme d’ambition artistique. Le casting du film va dans le sens de cette note d’intention inaugurale.

On retrouve en tête d’affiche Adèle Exarchopoulos, qui démontre une fois de plus son appétence pour le genre après Le règne animal, accompagnée par la très talentueuse Souheila Yacoub. Découverte, notamment, dans Entre les vagues (2020) d’Anaïs Volpé, elle avait surpris par sa présence dans la deuxième partie de Dune, réalisées par Denis Villeneuve, aux côtés de Zendaya et Timothée Chalamet. India Hair, Jonathan Couzinié ou Paul Beaurepaire complètent un bien joli tableau.

L’histoire se situe dans un futur proche, 2039, sur le territoire français. Les liens avec l’actualité sont forts : on retrouve les préoccupations écologiques, montées de plusieurs crans en termes d’urgence et de gravité. Il y a également un énoncé politique ambitieux, le regard critique de la cinéaste étant dur et critique envers les dérives préoccupantes et fascisantes des gouvernements européens qui, en quinze ans, ont déplacé toujours plus les curseurs de l’impensable au regard des libertés publiques. Que Julia, jouée par Adèle Exarchopoulos, soit une militante écologiste, dont la radicalisation la voit se faire qualifier de terroriste et ennemie de la nation, en dit long sur le regard porté par Aude Léa Rapin sur notre société. L’ambition de la proposition est donc positionnée tant du côté du casting que du scénario, dans une volonté d’utiliser la science-fiction dans tout ce qu’elle a de plus fort dans la recherche du futur et de la prospective.

Planète B

À partir de ces deux vertus énoncées, il faut réussir à émouvoir, que ce soit par la mise en scène ou par la consistance de l’écriture. Ces deux aspects fondamentaux pèchent beaucoup plus, avec des défauts majeurs qui ne parviennent pas à être surmontés sur la durée du film. Le plus gros problème de Planète B est son incapacité à incarner visuellement ses intentions. Le monde décrit, au bord de l’explosion, semble se réduire à quelques couloirs, le manque de moyens étant beaucoup trop visible, freinant l’expression visuelle d’un univers presque post-apocalyptique dont on ne verra rien à l’écran. Pire, les va-et-vient incessants entre le réel et le monde virtuel aboutissent à un sentiment de frustration intense, notamment par l’absence de montée de l’intensité dramatique.

L’idée des quelques jours restants au personnage de Nour avant de se faire expulser était excellente : cela créé une urgence concomitante à ce décompte. Ce dispositif retombe comme un soufflet, Nour ne faisant rien pour profiter de son avantage stratégique symbolisé par le casque de réalité virtuelle. Les jours se déroulent sans que rien ne se passe, produisant un ennui incompréhensible en regard des beaux éléments narratifs déjà cités. Julia et ses camarades d’infortune sont dans une attente qui fait perdre toute notion du temps, même au spectateur, sans que jamais un seul personnage antagoniste ne soit réellement mis en avant. Marc Barbé, excellent acteur au demeurant, embrasse ce rôle bien trop tard, sans que là encore aucune caractérisation ou installation préalable n’ait été faite.

Planète B est donc majoritairement une déception, que ce soit d’un point de vue visuel ou narratif, ne réussissant pas à valoriser ses bonnes intentions et son excellent casting d’acteurs et d’actrices de grande qualité. Si les idées sont bonnes, elles n’aboutissent pas sur l’écran, qui reflète surtout l’absence de moyens financiers, et une carence profonde dans l’écriture de l’intrigue qui peine à tenir toutes ses promesses.


25 décembre 2024 – D’Aude Léa Rapin, avec Adèle ExarchopoulosSouheila YacoubEliane Umuhire


Festival de La Roche-sur-Yon