POINT LIMITE
Après une défaillance technique au centre stratégique de l’aviation militaire américaine, des bombardiers atomiques sont envoyés en direction de Moscou en pleine Guerre froide. S’engage alors une course contre le temps pour éviter une tragédie aux conséquences internationales.
Apocalypse now.
Du réalisateur Sidney Lumet, on connaît évidemment son premier film (et premier chef d’œuvre) 12 hommes en colère, Network, Un après-midi de chien, Serpico, Le Crime de l’Orient-Express ou encore À bout de course. On connaît cependant beaucoup moins son incroyable Point Limite. Et pour cause. Si Point Limite n’a pas connu le succès qu’il méritait, c’est par un malheureux concours de circonstances.
Alors que Sidney Lumet et son équipe viennent d’achever le tournage du film, au même moment Stanley Kubrick prépare son Docteur Folamour. Le scénario raconte peu ou prou la même histoire mais de manière humoristique. Bien décidé à ne pas voir son film éclipsé par celui de Sidney Lumet (dont la sortie est prévue quelques jours avant le sien), le réalisateur d’Eyes Wide Shut attaque en justice le producteur de Point Limite pour faire pression.
Avec Columbia, ils le poursuivent pour plagiat et réussissent à le faire craquer. Le studio américain rachète alors le film de Lumet et repousse gentiment sa sortie à octobre 1964 (soit huit mois après le classique kubrickien). Le mal est fait pour Point Limite.
Comment j’ai appris à m’inquiéter et à détester la bombe
Là où Docteur Folamour usait brillamment du cynisme, de l’humour noir et de personnages totalement burlesques pour critiquer férocement l’armée américaine, Point Limite joue la carte du réalisme. Et c’est peut-être grâce à ce choix artistique et aussi politique que le long-métrage de Sidney Lumet est d’autant plus marquant. Il n’est plus question de tourner en dérision une éventuelle attaque nucléaire. Ici, la lecture est sérieuse.
À travers une mise en scène écrasante (gros plan sur le visage des personnages, contre-plongée perturbante…), des scènes de tensions interminables (la conversation téléphonique en plan-séquence entre le président américain et le premier secrétaire russe) et un scénario au suspens désarçonnant (son final terrorisant), Sidney Lumet nous étouffe et nous terrifie.
En n’utilisant aucune musique additionnelle, où seuls le son des machines informatiques, les réacteurs des avions de chasses ou les sonneries de téléphone viennent accompagner les discussions vitales entre les deux camps ennemis, le cinéaste instaure également un silence pesant. On ne saurait trop quoi dire, pour terminer, des interprétations magistrales d’Henry Fonda, Larry Hagman, Walter Matthau ou encore Frank Overton, dont les gouttes de sueurs, les visages blêmes et les regards ahuris hantent encore longtemps après visionnage.
Au-delà de sa réalisation fabuleuse, le film offre évidemment une réflexion poussée sur la guerre et la technologie. Loin de se contenter d’une critique à sens unique du bloc ennemi des Etats-Unis, il renvoie, au contraire, les deux camps dos à dos. Il décrit deux forces surpassées par leur propre machine et leurs propres règles, incapables de dompter la seule création humaine susceptible de mener à leur propre extinction.
Ainsi, dès 1964, Point Limite nous mettait déjà en garde contre l’intelligence artificielle, nous glaçait le sang face à l’asservissement humain provoqué par celle-ci et nous alertait vivement devant les conséquences de sa non-maîtrise. Intemporel.
La fiche
POINT LIMITE
Réalisé par Sidney Lumet
Avec Henry Fonda, Walter Matthau, Fritz Weaver…
Etats-Unis – Drame, thriller
Sortie : 1964
Durée : 95 min