POUR SAMA
Waad al-Kateab est une jeune femme syrienne qui vit à Alep lorsque la guerre éclate en 2011. Sous les bombardements, la vie continue. Elle filme au quotidien les pertes, les espoirs et la solidarité du peuple d’Alep. Waad et son mari médecin sont déchirés entre partir et protéger leur fille Sama ou résister pour la liberté de leur pays.
Critique du film
Il est des films dont on ne ressort pas indemnes. Pour Sama fait partie de ceux-là. Témoignage rare d’un quotidien terrifiant au cœur d’une ville assiégée et en ruines, Alep, Pour Sama suit les longs mois de conflit dans la ville syrienne.
Quand Waad Al-Kateab a quitté la maison de ses parents en 2011 pour faire des études de marketing à Alep, elle ne pouvait imaginer à quel point les événements dans la ville changeraient sa vie. En effet, l’année suivante, après de nombreuses manifestations contre le régime répressif de Bachar al-Assad, le dictateur syrien a lancé la première d’une longue série de représailles brutales contre les dissidents de la région. S’improvisant journaliste citoyenne en filmant les bombardements d’avions russes et leurs conséquences sur la population locale – d’abord avec son téléphone portable, puis avec une caméra par la suite – Waad fait parler ses images puissantes illustrant le carnage, mais aussi le défi quotidien des civils, leur persévérance et leur générosité envers leurs voisins et les étrangers chaque jour mis en danger.
Document rare illustrant cette vie qui continue même en état de siège, Pour Sama immerge le spectateur dans la ville mais aussi au sein de l’hôpital de fortune créé par son conjoint, un médecin nommé Hamza, avec qui Waad Al-Kateab a eu une fille, la fameuse Sama. Avec le réalisateur Edward Watts, ayant fait ses armes sur Channel 4, Waad a passé en revue les centaines d’heures d’images filmées pendant cinq ans, et a monté ce témoignage vibrant sous la forme d’un message à sa jeune enfant, Sama, comme un journal vidéo pour que l’enfant se souvienne de sa première année de vie avec ses parents, à Alep.
Pourtant, alors que le chaos règne, les sourires demeurent. Même en temps de siège, il y a de rares moments de joie et de rire : le mariage de Waad et Hamza, le début de la vie avec Sama, la classe qui continue malgré tout dans une école de fortune, ces enfants qui repeignent une carcasse de bus calciné avant de jouer les voyageurs et chauffeurs en herbe. Ce besoin de mener une vie normale, coûte que coûte, force l’admiration et remplit le cœur d’espoir.
Si sa cruauté et son caractère poignant le rendent déchirant – au point de pouvoir difficilement contenir son émotion -, son illustration d’un problème politique toujours d’actualité rend Pour Sama d’autant plus important et pertinent. Puissant et évocateur, intime et bouleversant, Pour Sama raconte la guerre au 21e siècle et lance un appel à l’action des nations libres du monde. Un documentaire indispensable.