PREMIÈRE AFFAIRE
Jeune avocate fraîchement diplômée, Nora a l’impression de n’avoir rien vécu lorsqu’elle est propulsée dans sa première affaire pénale. De sa première garde à vue au suivi de l’instruction, Nora découvre la cruauté du monde qui l’entoure, dans sa vie intime comme professionnelle. Emportée par la frénésie de sa nouvelle vie, elle multiplie les erreurs et en vient à questionner ses choix.
Critique du film
Quel impact a notre fonction sociale, notre métier, sur nous en tant qu’individu ? Quelle influence l’exercice de la profession d’avocate peut-elle avoir sur les valeurs d’une jeune femme et sur son rapport à la vérité ? C’est de ces questions et d’un intérêt de Victoria Musiedlak pour le domaine de la justice qu’est née l’idée de Première Affaire.
Ce premier long-métrage de la cinéaste, nous plonge dans le quotidien de Nora, une jeune avocate qui travaille dans un cabinet spécialisé dans les affaires financières, au moment où celui-ci est bouleversé. La scène d’ouverture du film capte notre attention, avec une fête pendant laquelle la caméra se déplace à travers la foule, jusqu’à trouver la silhouette et le visage de Nora, en retrait de la piste de danse. Puis, tout s’enchaîne, après avoir quitté la boîte de nuit, avant l’aube, elle reçoit un appel de son patron : il lui demande de se rendre à Arras pour une garde à vue. Elle qui n’a jamais eu d’affaire pénale à sa charge, doit partir sur le champ, seule, sans avoir dormi de la nuit, dans une ville et un commissariat qu’elle ne connaît pas, rejoindre un jeune homme suspecté d’être impliqué dans la disparition d’une jeune fille. Une fois sur place, elle apprend que l’affaire vient d’être requalifiée en homicide.
Explorant davantage la tentative d’accomplissement intime et professionnel d’une jeune femme plutôt que l’enquête judiciaire, Première Affaire est un film inégal. Le long-métrage repose sur le contraste entre la naïveté de l’héroïne et la noirceur du monde. En plongeant cette jeune avocate sans préambule dans le grand bain, Victoria Musiedlak nous propose un récit d’apprentissage dont la cruauté rappelle que ni l’éducation, ni l’âge ne nous donnent les armes pour nous confronter au pire. Avec son regard intense, sa voix fluette et son jeu tout en finesse, Noée Abita apparaît comme un choix évident pour incarner cette jeune fille. La cinéaste offre également un parallèle qui n’est pas dénué d’intérêt entre Nora et son client (rendu très troublant par l’interprétation d’Alexis Neises). Tous deux vivent un bouleversement brutal et doivent composer avec leur naïveté et leur manque d’expérience, sauf que l’une doit assumer ses responsabilités d’avocate et l’autre est accusé de meurtre.
Le long-métrage a beau débuter au cœur de l’action et mobiliser notre attention dès ses premiers instants, ses rebondissements nous paraissent bien vite attendus, voire peu crédibles. Si observer les multiples échecs de Nora fait sens, tant elle est dépourvue d’expérience, nous finissons, nous aussi, par nous retrouver démunis devant l’enchaînement quelque peu invraisemblable des situations. La romance que l’héroïne débute avec le policier rencontré pendant la garde-à-vue (Anders Danielsen Lie) est aussi soudaine qu’improbable. Si elle creuse encore la candeur de la jeune fille en donnant à voir le mensonge et l’ambivalence humaine, elle nous apparaît comme très peu crédible et nous écarte des questionnements intrigants qui habitent le récit.
Première Affaire aborde donc la désillusion professionnelle, mais aussi les questions de la recherche de la vérité et de l’intime conviction, thématiques captivantes de nombreuses œuvres qui se déroulent dans un cadre judiciaire (comme Anatomie d’une chute de Justine Triet, par exemple). Cependant, si les choix de réalisation regorgent de bonnes idées, on regrette que la naïveté du personnage, poussée à l’extrême, s’avère peu convaincante et donne à voir davantage l’échec que l’apprentissage, précipitant ainsi la fin du récit vers une conclusion qui semble inaboutie.
Bande-annonce
24 avril 2024 – De Victoria Musiedlak, avec Noée Abita, Anders Danielsen Lie, Alexis Neises