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PRESENCE

Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse présence hante les lieux.

CRITIQUE DU FILM

Rares sont les films qui portent aussi bien leur nom. Presence est même un doux euphémisme tant le film en est sursignifié. Sa mise en scène performative vite ampoulée (le film est une succession de plans-séquences uniquement du point de vue d’une figure fantomatique), ses dialogues surécrits sentencieux ou encore l’architecture surchargée de la bâtisse où se déroule l’ensemble des événements rendent balourd et abscons un concept théorique pourtant curieux.

À la manière de Let Them All Talk, sorti en 2021, Steven Soderbergh réfléchit quelques minutes sur la fabrication de son décor. Presence s’ouvre sur une promotrice immobilière vendant cette fameuse maison et des ouvriers qui la rénovent avant l’installation de la famille principale du récit. Ces deux séquences sont autant un effet d’annonce de la fameuse « présence » – un ouvrier refuse de repeindre les murs d’une pièce spécifique car il y perçoit un mauvais pressentiment – qu’une manière pour le cinéaste de réifier son lieu de tournage, en somme signifier la théâtralité de son concept par une remarque d’un individu totalement extérieur aux petits soubresauts scénaristiques qui vont suivre. Comme les cuisiniers du paquebot de Let Them All Talk ou les intermèdes en noir et blanc des basketteurs NBA de High Flying Bird, Soderbergh fait des travailleurs les moteurs des projets, ceux par qui la narration arrive et qui tissent par leurs courtes interventions orales ou physiques les thèses et antithèses des sujets.

Presence Lucy Liu

Malheureusement, ce court passage est vite court-circuité par la bêtise ambiante de l’œuvre, pas aidée par un casting aux abonnés absents et un déficit d’incarnation due à cette fameuse réification. De fait, les personnages de la famille endeuillée ne sont pas des êtres humains, ce sont des rats de laboratoire pris au piège d’un dispositif dramatico-fantastique oscillant entre l’absurde et le ridicule. Sans doute trop confiants envers leur idée de « présence », Soderbergh et son scénariste David Koepp ne creusent aucun des nœuds familiaux, renvoyant tous les actants à leurs caractérisations initiales sans évolution ni compréhension réelle des liens qui les unissent ou des dysfonctionnements qui les font souffrir. Les innombrables dialogues de sourds entre les protagonistes n’existent que comme matière expressive du concept, et non comme matériau de profondeur ludique ou dramatique. Comment passionner quand tout l’appareil est symbolique, dénué de chair ?

En résulte alors un non-film, plutôt un texte à trous théorique à l’instar de Megalopolis de Coppola où chacun pourra se gargariser d’y avoir vu quelque chose selon son rapport au monde, tant finalement on y voit pas grand chose de plus dans ce capharnaüm brouillon dont on devine vite la grotesque finalité. Steven Soderbergh a beau être un formaliste talentueux, capable d’envolées métaphysiques furieuses (Solaris) ou de propositions proches du modernisme intrigantes (Girlfriend Experience), il est aussi un cinéaste qui se précipite, rapidement sûr de sa surface, dès lors vain et vaniteux.

BANDE-ANNONCE

5 février 2025 – De Steven Soderbergh, avec Lucy LiuChris SullivanCallina Liang